Blottie autour de son château fort, Gorizia est une ville endormie, séparée en deux depuis 1947 entre l’Italie et la Slovénie. La frontière n’est presque plus qu’un souvenir depuis l’adhésion de la Slovénie à l’Union européenne et son intégration à l’espace Schengen. Construite au débouché d’un passage alpestre clef entre l’Autriche et Venise, Göritz (son nom allemand), siège d’un archevêché, a longtemps été une possession des Habsbourg. Ce n’est qu’au lendemain de la Première Guerre mondiale que la région fut rattachée à l’Italie. Elle se situe aujourd’hui à la pointe nord-est de la région du Frioul – Vénétie Julienne dont la capitale est le port de Trieste sur la mer Adriatique. En 2025, Gorizia et Nova Gorica, sa jumelle slovène seront capitales européennes de la culture dans le cadre d’un projet transfrontalier.
C’est en 1836 que Göritz entre par hasard dans l’histoire de France. Cette année-là, fuyant une épidémie de choléra sévissant en Bohème et en Autriche, le roi Charles X exilé depuis son départ du pouvoir en 1830, choisit de poser ses bagages dans cette ville réputé pour la qualité de son air, brassé par un puissant vent du nord dénommé la « bora ». Mais le souverain déchu est rattrapé par le mal et décède le 6 novembre 1836 au palais Coronini. Il est enterré à sa demande en dehors de la ville, dans la crypte du couvent franciscain de la Castagnavizza, au milieu des châtaigniers qui ont donné leur nom au sanctuaire.
Göritz va dès lors devenir un séjour régulier pour la famille de Charles X, qui maintient une étonnante étiquette héritée des fastes de la Cour de France. Elle loge notamment au palais Lantieri qui appartient toujours aux descendants de cette famille qui conserve d’émouvants souvenirs de son passage. Deux princes assurent tour à tour la continuité dynastique de la branche aînée des Bourbons : Louis, duc d’Angoulême, époux de la fille de Louis XVI puis son neveu Henri, titré comte de Chambord, fils du duc de Berry assassiné en 1820. Le premier décède également à Göritz, le 3 juin 1844 au palais Strassoldo, aujourd’hui transformé en hôtel de bon standing. Il est enterré aux côtés de son père. Sa femme l’y rejoindra à son tour en 1851.