En juin 2019, deux pétroliers, l’un japonais, l’autre chypriote, avaient été touchés par des tirs, attribués par les États-Unis et les Anglais aux Iraniens. Même si ces derniers avaient nié toute implication, cette démonstration de force de son grand rival régional avait fait régir le prince héritier Mohammed Ben Salmane : « Nous ne voulons pas une guerre dans la région (…) Mais nous n’hésiterons pas à réagir à toute menace contre notre peuple, notre souveraineté, notre intégrité territoriale et nos intérêts vitaux ». La politique extérieure du Royaume saoudien s’est davantage tournée vers les questions régionales ces dernières années, ce qui porte un coup rude à l’influence iranienne, notamment en Irak.
Les services du renseignement saoudiens sont en ébullition depuis lundi 31 octobre, à la suite de l’identification d’un risque d’agression « imminente » de l’Iran sur plusieurs cibles dans le pays. La ville d’Erbil, au Kurdistan irakien, serait également menacée. L’information est relayée par le Wall Street Journal, et vient directement du renseignement américain, en lien avec son alter-ego d’Arabie-Saoudite. « Nous n’hésiterons pas à agir pour défendre nos intérêts et nos partenaires dans la région », a fait savoir un porte-parole du Conseil national de sécurité de la Maison Blanche. De même, les renseignements américains affirment être « préoccupés par nature de la menace » et disent rester « en contact permanent avec les Saoudiens via les canaux militaires et de renseignement ». Un avertissement en forme de menace, qui est accompagné d’une mise en alerte des armées saoudiennes et américaines au Moyen-Orient. D’autres pays limitrophes en ont fait autant.
En toile de fond de ces menaces, l’Iran accuse l’Arabie Saoudite et les occidentaux d’être à l’origine des troubles sociaux qui agitent le pays depuis près de deux mois. L’Iran est secoué par une vague de protestation majeure après la mort de Masha Amini, une jeune femme tuée par la police des mœurs en septembre parce qu’elle ne partait pas le voile. Une agression sur l’Arabie Saoudite, et donc sur ses partenaires américains, pourrait être une manière de détourner l’attention des troubles internes au pays, tout en réaffirmant sa capacité opérationnelle à la face des occidentaux.
En 2019, l’Arabie Saoudite accusait déjà l’Iran d’attaques contre des pétroliers
Le contexte géopolitique de la région est perturbé par la recomposition des influences, à l’heure de l’affrontement entre la Russie et l’Ukraine. Avec la restriction de la production du pétrole par l’OPEP+, L’Arabie Saoudite semblait encore récemment s’émanciper de la tutelle américaine. Si l’on était en droit de s’interroger sur la pérennité de la coopération américano-saoudienne, il apparaît que les deux pays sont encore très liés. Les tensions entre l’Iran et l’Arabie Saoudite ont des fondements très anciens, religieux et territoriaux. L’Iran chiite est le concurrent historique du royaume saoudien sunnite. Les pics de tension sont réguliers, mais il est peu probable qu’un conflit ouvert arrive. On n’imagine guère Joe Biden accepter de perdre la face au Moyen-Orient, alors qu’aux États-Unis, les élections de mi-mandat s’annoncent délicates pour les démocrates. L’Iran le sait, et aurait beaucoup à perdre.