Caillassages, mortiers d’artifices, incendies, violences contre les pompiers n’ont cessé de rythmer une semaine médiatique déjà soutenue. Dans de nombreux lycées franciliens, les forces de l’ordre essuient depuis une dizaine de jours un déchaînement de violence de leurs élèves, mais aussi de bandes encagoulées, déterminées.
Nanterre, le raisin de la colère
Tout est né d’une mutation. Celle de Kai Terada, professeur de mathématiques et syndicaliste Sud Éducation au lycée Joliot Curie de Nanterre. Alors que M. Terada invoquait une « discrimination syndicale », le tribunal administratif de Versailles a considéré que son transfert était une condition nécessaire à la « sérénité dans l’établissement » ajoutant, en substance, que son engagement syndical causait des entraves au bon déroulement de la vie éducative. Le ministre de l’Éducation Nationale Pap Ndiaye a tenu à souligner que ce« lycée avait un certain nombre de dysfonctionnements depuis longtemps ».
Les élèves ont alors pris part aux réunions et assemblées organisées par les instances syndicales. En plus de la protestation contre la mutation de Kai Terada, ces jeunes ont greffé à ces luttes leur désarroi face à la remise en cause d’un dispositif d’aide aux devoirs, mais aussi, et surtout, le rejet des principes élémentaires des cadres laïques qui régissent l’école.
Il apparaît, avec le recul nécessaire pour décrypter les évènements, que les émeutes qui ont suivi cette éviction reposait moins sur un motif syndical qu’une manifestation des élèves eux même. Face à des orientations qu’ils jugent « discriminatoire » de la part de l’établissement, ils ont repris la lutte à leur compte. En effet, certains élèves regrettent que le port de vêtements à la frontière des revendications cultuelles et culturelles, soit interdit par le personnel éducatif.
Une élève confiera en aparté au micro de BFMTV qu’« ils [le personnel éducatif, ndlr.] ne cachent même plus leur racisme et leur islamophobie ». Une colère revendiquée, qui sert de tremplin à certains individus pour semer le chaos dans des infrastructures initialement destinés à la transmission du savoir.
Une semaine après l’escalade, 22 personnes font l’objet de poursuites judiciaires selon le Parquet de Nanterre. Parmi eux, quatre mineurs vont se voir sanctionnés d’une convocation face à un Officier de Police Judiciaire (OPJ). Pour les 18 autres, ils seront jugés en comparution immédiate pour des faits de manifestations illégales, de vandalisme et d’actes de violence en réunion.
Un effet boule de neige
La traînée de poudre semble plus appropriée pour décrire le florilège de violences urbaines à Joliot Curie. Une différence subsiste néanmoins, selon les premiers éléments de l’enquête, entre les émeutes nanterroises et celles qui surviennent ces derniers jours : les déchaînements de violence ne reposent sur aucun motif particulier.
Aucun motif, ou presque. Tous les prétextes paraissent bons pour justifier l’usage de la violence. Pour les lycées Touchard, Yourcenar et Bellevue du Mans, la réforme du bac professionnel est remise en cause par les élèves. Vendredi dernier, au lycée Martinière-Montplaisir de Lyon, un professeur et plusieurs policiers ont été blessés après que des dizaines de jeunes encagoulés et vêtus de noirs s’employaient déjà à tirer au mortier sur leur proviseur, sans qu’aucune revendication n’ait été promue.
Le rôle des réseaux sociaux semble angulaire dans l’occurrence de ces émeutes. De la même manière que les vidéos de certaines violences urbaines se relaient entre réseaux de quartiers, on assisterait à une contagion de ces attaques par le relai de Snapchat, Telegram et Instagram qui entraînerait des lycées de toutes origines géographiques à passer à l’acte. Effet de groupe, galvanisation par des groupuscules militants et rejet de l’autorité ont formé un cocktail explosif à la veille des périodes de vacances scolaires.
Rien ne semblait arrêter la colère de ces jeunes, dont peu d’observateurs pouvaient expliquer la frénésie. Vendredi dernier, au lycée Balzac de Tours, des pompiers ont été pris à partie par une dizaine de jeunes, sac Eastpack endossés et cache-cou enfilés, alors que les hommes du feu tentaient d’éteindre un incendie.
Selon Amaury Bucco, journaliste police-sécurité de Cnews, ce sont près de trente lycées, collèges et même une école élémentaire qui ont été le théâtre d’incendies sauvages, d’édification de barricades et de jets de cocktail Molotov destinés aux forces de l’ordre.
Selon notre confrère, c’est la ville de Trappes qui remporte la palme du désordre. En la seule matinée du jeudi 20 octobre, ce sont quatre établissements qui ont dû fermer leur porte du fait du désordre ambiant.
Derniers évènements en date : la commune de Châtenay-Malabry qui, à la suite d’échauffourées entre lycéens et policiers, a vu des incendies majeurs se déclarer. 1200 foyers ont été privés d’énergie après qu’une colonne de gaz a explosé. Vendredi dernier, au lycée Cherioux de Vitry-sur-Seine, une cinquantaine d’individus ont été dispersés après qu’ils ont mis le feu à des poubelles, jeté des projectiles et caillassé des agents de police.