Les élections approchent à grands pas en Turquie, et la campagne entraîne des promesses parfois révolutionnaires. Vraisemblablement, la présidence de la Turquie pour la période 2023-2028 se jouera entre deux hommes : Recep Tayyip Erdogan, président depuis 2014 et candidat à sa troisième élection, et Kemal Kılıçdaroğlu, leader du Parti républicain du peuple.
Ce dernier, classable dans un centre-gauche socialiste et laïc, a fait le choix d’aller empiéter sur les plates-bandes de la droite conservatrice de l’AKP (parti d’Erdogan) en proposant une loi garantissant le port du voile dans la fonction publique, les écoles et les universités. Très vite, le président de Turquie a réagi en proposant à la place la mise en place d’un référendum à ce sujet.
Un débat désormais centenaire
Lé débat du voile existe depuis maintenant un siècle en Turquie. Seul état laïc de culture et de peuple musulmans, il revient cependant de plus en plus vers un certain conservatisme islamique, appuyé en cela par une législation évolutive. L’enjeu est d’ailleurs particulièrement grand alors que l’année prochaine sera fêté le centenaire de la République de Turquie, fondée en 1923 par le héros national Atatürk.
Lorsque celui-ci abolit le califat islamique de l’Empire Ottoman, il choisit aussi de moderniser la Turquie en faisant d’elle un État laïc, occidentalisé (l’alphabet arabe est remplacé par le latin) et ferme sur la question du port du voile. Celui-ci est en effet interdit aux fonctionnaires, élèves et étudiants, et fortement déconseillé en public. S’il n’est pas interdit, le sujet a fait débat tout au long du XXe siècle. La gauche, traditionnellement laïque dans le pays, a longtemps milité pour l’interdiction tandis que la droite, plus traditionaliste, était en sa défaveur.
C’est d’ailleurs avec l’AKP conservatrice que la législation a évoluée de façon importante ces dernières années. En 2008, le voile est autorisé à l’université, et les années 2015-2015 voient également la possibilité de le porter dans l’administration et la fonction publique s’ouvrir.
Une manœuvre électoraliste des deux côtés
De façon plus étonnante, c’est désormais le centre-gauche du Parti républicain du peuple (fondé par Atatürk) qui propose un affaiblissement de la laïcité. Mais alors, pourquoi ce revirement ? Selon nos collègues de France Info, Erdogan aurait fait de la protection des musulmans un axe majeur de sa campagne, attaquant son adversaire sur « l’élite laïque » qu’il incarnerait.
Cette proposition de loi serait ainsi un gage de bonne conduite de Kemal Kılıçdaroğlu qui montrerait ainsi à l’électorat conservateur qu’il n’aurait rien à craindre dans un changement de pouvoir. Le référendum de contre-attaque du Président de la Turquie viserait ainsi à surenchérir pour montrer qu’Erdogan reste plus protecteur envers les droits des musulmans que son opposant.
Après la proposition de référendum, Kılıçdaroğlu n’a pas hésité à comparer le leader turc au Président hongrois Viktor Orban, fervent adepte des référendums conservateurs lui aussi.