Cela fait désormais trois ans que le régime d’Abdelaziz Bouteflika est tombé. Trois ans que son successeur, Abdelmadjid Tebboune, a pris la relève en insufflant un courant nouveau à l’Algérie.
Ce courant nouveau, pour autant, est loin d’être celui des Lumières, de la liberté. En fait, ainsi que l’explique Xavier Driencourt, c’est un « nettoyage politique » qui a lieu depuis deux ans dans le pays. Profitant des crises du Covid-19 et de la guerre en Ukraine, le régime a, à nouveau, pris un courant autoritariste.
La liberté de presse est « muselée » dans les anciens départements français d’Afrique du Nord. On ne compte plus les exemples de censure : si le journal El Watan a été placé sous tutelle gouvernementale, d’autres médias comme le quotidien Liberté ou Radio M. ont, eux, carrément été fermés. L’époque de la presse libre sous Bouteflika fait doucement rêver : elle appartient désormais au passé, tout comme les espoirs de démocratisation du pays nés après la chute de Bouteflika.
Le système tient à nouveau grâce à sa junte militaire, et cette organisation militaire du pouvoir se traduit dans les méthodes de répression utilisées par Abdelmadjid Tebboune. En fait, la nostalgie de l’époque du FLN refait surface plus que jamais face à « la France, « ennemi éternel » ».
L’Algérie contre la France
La fuite en avant de l’Algérie se fait directement face à l’ennemi, la France. La France, à qui Alger voue une rancœur tenace, apparemment inaltérée depuis plus de soixante ans. Là-bas, toujours selon Xavier Driencourt, « le discours antifrançais est le levain d’une campagne électorale réussie ».
Pourtant, la France, elle, ne semble pas comprendre cet état de fait. Alors qu’Emmanuel Macron avait initialement adopté un discours de fermeté envers l’Algérie, critiquant notamment la « rente mémorielle » dont elle disposait, il s’est avéré qu’à nouveau, son célèbre « en même temps » est entré en jeu. Il avait pourtant fait montre d’une « lucidité dont aucun de ses prédécesseurs n’avait affichée ».
Quelques semaines plus tard, la nouvelle position de la France s’affichait. Désormais, elle viendrait flatter l’orgueil algérien, en rappelant les liens forts unissant les deux pays, et l’importance de la « diaspora » algérienne dans le pays. Plus tard, en 2022, elle viendrait à Alger quémander du gaz au pays rentier, en plein milieu d’une crise énergétique. Même les innombrables insultes reçues par Emmanuel Macron lors d’un bain de foule à Oran n’y ont rien fait. Au fond, l’Algérie a déjà gagné une bataille : elle représente indiscutablement une force politique en France, où on peut sans doute compter plusieurs millions d’Algériens et descendants d’Algériens encore attachés à la mémoire de la guerre d’indépendance.
S’il est impossible d’estimer avec exactitude combien ils sont actuellement en France, Xavier Driencourt donne cependant un chiffre-perspective : « 45 millions d’Algériens n’ont qu’une obsession : partir et fuir. Partir où, si ce n’est en France, où chaque Algérien a de la famille ? ». En fait, la crise autoritariste du régime risque bien d’avoir une conséquence désastreuse pour la France : de nouvelles vagues d’immigration incontrôlée, qui seraient incomparables avec celles accueillies jusque-là.
L’ancien ambassadeur, conclue alors terriblement, en agitant une sinistre prophétie : « L’Algérie, en ce sens, a gagné le combat contre l’ancien colonisateur : elle reste un problème pour la France, elle s’effondre, mais risque d’entraîner Paris dans sa chute. La IVe République est morte à Alger, la Ve succombera-t-elle à cause d’Alger ? »