« Nous sommes en guerre ». Presque an après le début du conflit, la phrase n’a toujours pas été prononcée par le président russe Vladimir Poutine. Pourtant, depuis un mois, un certain nombre de lois « martiales » ont été adoptées par la Douma, instance législative russe. Si elles doivent encore être validées par la chambre haute, il devient évident que le régime se met au service de la guerre.
Les « saboteurs » et la loi de la guerre
Les saboteurs, ennemis de l’intérieur, sont les premiers visés par les mesures du Kremlin. Le terme, à la connotation militaire, vise explicitement les réfugiés ukrainiens accueillis sur le sol russe, accusés d’être la cause d’un certain nombre d’explosions sur des sites militaires, à quelques dizaines de kilomètres derrière les lignes russes. Ce serait pour contrer ce phénomène que la Douma a approuvé une
nouvelle grille judiciaire contre ces « saboteurs », pouvant aller jusqu’à la prison à perpétuité. En effet, si la peine de mort est légale en Russie, elle n’est plus appliquée depuis 1996, année précédant le vote d’un moratoire en sa défaveur. Ce moratoire, cependant, ne s’applique pas dans les nouveaux territoires annexés, où plusieurs peines capitales ont été appliquées depuis le début de la guerre. Selon la Douma, les mesures votées auraient pour but de
«
protéger [le]
pays et [les]
citoyens des menaces terroristes et du sabotage ».
Les territoires annexés, eux, font complètement l’objet de lois guerrières. L’une d’entre elles, dénoncée par les pays étrangers et des ONG comme Amnesty International, stipule que « n’est pas criminel ou punissable un acte […] qui contient des éléments d’un crime en vertu du Code pénal de la Fédération de Russie, mais visait à [en] protéger les intérêts ». Une idée générale forte s’en démarque ainsi : tout est permis, si cela favorise les intérêts russes. Ainsi, les éventuels massacres de civils ou de prisonniers, ou tout autre crime commis par des soldats russes en Ukraine seraient dépénalisés. Cette loi, adoptée seulement en première lecture pour le moment, violerait ainsi la Convention de Genève, qui impose aux États en guerre de traduire efficacement en justice les criminels de guerre.
De même, toute personne portant atteinte au « ruban de Saint-Georges », symbole de victoire russe particulièrement utilisé pendant la guerre, encourt une peine allant jusqu’à cinq ans de prison, selon
Courrier International.
Un pays au service de la guerre
Lorsqu’on va sur le terrain, pourtant, on observe bien que les saboteurs sont loin d’être arrêtés à la pelle. En fait, cet arsenal législatif pourrait bien servir à disposer d’éléments juridiques suffisants pour serrer la vis à l’avenir, non pas seulement dans la loi, mais aussi dans les faits. Au besoin, Vladimir Poutine pourrait plus aisément se débarrasser de ses ennemis. Pour le président de la Fédération de Russie, les ennemis de Vladimir Poutine sont les ennemis de la patrie.
Depuis plusieurs mois, la Russie entière se met au service de la guerre contre l’Ukraine. Industriellement, les fabriques d’armement tournent à plein régime et l’économie est forcée de s’adapter aux contraintes causées par l’invasion, notamment les sanctions occidentales. De son côté, le système médiatique entier relaie la vision du « Mage du Kremlin », par des émissions favorables à « l’opération spéciale » à laquelle la grande majorité des Russes déclarent leur soutien. Soutien, dont le pouvoir a grandement besoin à l’heure où les rumeurs d’une nouvelle mobilisation à venir vont de bon train.
Surpris par l’échec avoué de leur guerre-éclair, les Russes se projettent, comme souvent, sur le temps long, menant ce que les forces ukrainiennes appellent une « guerre d’attrition ».
C’est donc très logiquement que le législatif suit, et c’est tout un pays qui se met en branle pour soutenir cet effort de guerre.