« Comment peut-on être croate ? » s’interrogeait le philosophe Alain Finkielkraut (1) dans un livre paru en France au lendemain de la déclaration d’indépendance de la Croatie. Jusqu’au 25 juin 1991 en effet, la Croatie avait toujours été depuis le XIIe siècle sous la domination d’entités supranationales, de l’empire austro-hongrois des Habsbourg à la Yougoslavie communiste de Tito. Tout juste avait-il existé entre 1941 et 1945 un État fantoche et criminel de ce nom à la solde des nazis, terrain d’exactions des milices oustachis dirigées par un dictateur sanguinaire, Ante Pavelic (1889-1959).
Les Croates constituent un peuple de près de quatre millions d’habitants, de religion catholique et de langue serbo-croate écrite en alphabet latin. Son territoire en forme de croissant comprend la côte dalmate, balcon sur l’Adriatique, au sud et la Slavonie au nord. Sa capitale est Zagreb qui concentre près de 700 000 habitants. Les autres villes importantes sont Split, Rijeka (la Fiume de Gabriele D’Annunzio) et Osijek La ville touristique la plus célèbre de la côte dalmate demeure Dubrovnik, l’antique Raguse jadis grande rivale de Venise en mer Adriatique. La Croatie est membre de l’Union européenne depuis le 1er juillet 2013. Elle est le 20e pays à rejoindre la zone euro et le 27e membre de l’espace Schengen.
L’appui allemand
Il est désormais établi que l’Allemagne, en poussant la CEE à reconnaître l’indépendance de la Croatie et de la Slovénie sans respect préalable du droit des minorités serbes établies en territoire croate, comme l’aurait permis un respect de la charte d’Helsinki de 1975 sur le respect des frontières européennes, a favorisé le déclanchement de la guerre civile qui a ensanglanté l’ex-Yougoslavie (2). Si cette analyse n’exonère pas la responsabilité des différents nationalismes à l’œuvre dans la région, elle a le mérite de la clarté. Le germaniste Édouard Husson n’hésite pas à ce propos à parler de « responsabilité spécifique de l’Allemagne ». Par ailleurs, l’ancien général yougoslave Franjo Tudjman (1922-1999), premier président de la République de Croatie jusqu’à sa mort, a été accusé, notamment par l’État d’Israël, de révisionnisme voire de négationnisme concernant la Seconde Guerre mondiale.
Une bonne élève
Le terrible siège de Vukovar, ville croate assiégée par l’armée Yougoslave d’août à novembre 1991, marquera les esprits par son aspect inédit en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, tout comme le siège de Dubrovnik d’octobre 1991 à août 1992 affectant une cité classée au Patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1979.
Point de passage entre les aires d’influences italienne, allemande, magyare et slave, la Croatie fait figure, avec la Slovénie, de « bonne élève » parmi les républiques issues de l’ex-Yougoslavie, loin de la complexité des situations existant au Monténégro, au Kosovo ou en Macédoine du Nord. Le processus de réconciliation avec sa voisine la Serbie est pourtant loin d’être achevé comme le démontre le récent soutien apporté par le président serbe Aleksandar Vucic à l’équipe de football du Maroc, opposante malheureuse à celle de la Croatie lors du match pour la troisième place de la récente coupe du monde qui s’est déroulée au Qatar.
(1) : Alain Finkielkraut, Comment peut-on être croate ?, Gallimard, 1992.
(2) : Édouard Husson, Une autre Allemagne, Gallimard, 2005, pp. 91-95.