En 2019, l’ancienne ministre de la Famille, du Travail et de la Défense de la République fédérale d’Allemagne, Ursula von der Leyen, est nommée à la tête de la Commission Européenne pour un mandat de cinq ans. Quittant son poste après plus de cinq années d’impopularité, elle se retrouve à la tête du plus puissant organisme européen.
L’un de ses points forts est son programme écologique, notamment pour une politicienne de centre-droit. Son objectif affiché est de « faire de l’Europe le premier continent neutre pour le climat ». La taxe carbone aux frontières, récemment votée, est censée participer à la réalisation de ce but audacieux.
Proposée par Emmanuel Macron, sa candidature est censée incarner l’union alors que le Brexit est en cours de réalisation. Elle est élue à neuf voix près. Quelques mois plus tard, une nouvelle crise d’importance viendra frapper le Vieux Continent : celle du Covid-19. Dès lors, Ursula von der Leyen multipliera les déplacements à l’étranger, pilotera le plan de relance Covid, apparaîtra en Ukraine après l’attaque russe…
Pourtant, une question demeure : la présidente de la Commission Européenne outrepasse-t-elle ses prérogatives ?
Les attributions réelles d’Ursula von der Leyen
Selon le site toute l’Europe, le rôle du président de la Commission Européenne est multiple. D’abord, « définir les orientations dans le cadre desquelles la Commission exerce sa mission – avec pour objectif la défense de l’intérêt général de l’Union », et diriger les réunions de la Commission. Ensuite, il doit décider de « l’organisation interne de la Commission », attribuer des portefeuilles aux commissaires, et nommer ses vice-présidents.
Sur le plan international, son rôle est de représenter l’Union européenne, conjointement avec le président du Conseil Européen. Mais aujourd’hui, qui connaît ce dernier ?
Concrètement, Ursula von der Leyen s’attribue sans vergogne des compétences. On pourrait reprendre la formule de Raymond Aron, et qualifier son action de « fédéralisme clandestin ». En effet, la présidente de la Commission est partout, tout le temps, et assoit un peu plus son emprise sur les États qu’elle représente de facto. Lorsqu’Ursula von der Leyen ouvre la bouche, c’est la voix de l’Europe que l’on entend. Rappelons cependant, qu’elle n’est élue que par le Parlement Européen. Sans grande légitimité, elle est devenue la femme la plus puissante du monde.
Vox Ursulae, vox Europae
La voix d’Ursula von der Leyen porte loin, et partout. À la COP 27 en Égypte, dans les sommets du G7, du G20, et même en Ukraine où elle a décidé du soutien de l’Union européenne au régime de Volodymyr Zelenski. Très bien, mais depuis quand une simple présidente de la Commission peut-elle décider unilatéralement du destin de la moitié de son continent ? Ayant mis au placard Charles Michel, président belge du Conseil Européen, théoriquement son égal en politique internationale, elle fait son chemin, sans entrave aucune.
À chaque crise, von der Leyen assoit un peu plus son emprise sur le Vieux Continent. La gestion de la crise sanitaire sera dénoncée par les uns, louée par les autres. L’Union européenne prend ainsi la décision de centraliser les commandes de vaccins, pour des commandes montant à plusieurs milliards d’euros, alloués aux entreprises pharmaceutiques. Comme souvent au sein de l’Union européenne, le scandale n’a pas tardé à arriver : comment se fait-il que l’entreprise Pfizer, qui détient celle dont le mari d’Ursula von der Leyen est PDG, ait obtenu la plus grande part des contrats de vaccin ? Et pourquoi la présidente de la Commission Européenne a-t-elle supprimé ses SMS avec le PDG de Pfizer, alors même qu’elle n’était pas compétente pour diriger les négociations ?
Une autre mesure exceptionnelle est ce fameux « plan de relance européen », à hauteur de 700 milliards d’euros, à la suite de cette même crise. Sur ce coup, Ursula von der Leyen et Emmanuel Macron sont aux manettes, et parviennent à convaincre les États « frugaux », à l’instar des Pays-Bas, de lâcher de l’argent.
La dernière crise, encore, a permis à la présidente de la Commission de s’imposer encore plus, partout : avec Emmanuel Macron, Joe Biden et Boris Johnson, elle s’est placée en fer de lance du soutien à l’Ukraine. Et, comme le disait récemment Nicolas Sarkozy au JDD : « Je n’ai […] toujours pas compris en vertu de quel article des traités européens Mme von der Leyen peut justifier sa compétence en matière d’achats d’armes et de politique étrangère. »
Mme Von der Leyen, c’est le fédéralisme rampant, sournois. Comme personne ne comprend grand-chose à l’Union européenne et ses instances, et que seuls des techniciens sont aptes à critiquer les dépassements des prérogatives, rien de plus simple que d’accaparer le pouvoir.
Un grand pouvoir au service d’un grand projet
S’il y a bien une chose que l’on peut accorder à Ursula von der Leyen, c’est qu’elle n’a jamais caché son ambition pour l’Europe. Celle-ci, c’est une Europe fédérale, unie sous la même entité.
Le projet ne date d’ailleurs pas d’hier. On peut faire remonter sa source aux Princes romains sous l’Empire, qui contrôlaient censément tout le monde européen : urbi et orbi. Le vieux rêve de l’Empire romain a d’ailleurs hanté toute la période médiévale : de Charlemagne à Charles Quint en passant par Othon, tous se réclamèrent de cet « Empire » universel par nature, à une époque où le monde était confiné entre la mer du Nord, le Sahara, les steppes russes et l’océan Atlantique. La personne la plus proche d’y parvenir fut incontestablement Napoléon Bonaparte, mais l’aventure russe brisa son rêve.
Aujourd’hui, sans conquête autre que des postes européens, Ursula von der Leyen trace sa route dans cette direction, appuyée en cela par un Emmanuel Macron dont la boussole idéologique est cette « Europe sans nations », élargie par un libéralisme atlantiste.
L’accession au pouvoir sur le Vieux Continent est désormais conditionnée par l’europhilie : Marine Le Pen l’a bien constaté en 2017, tout comme Matteo Salvini un peu plus tard. Les deux adoptent désormais un discours plus mesuré vis-à-vis de ces institutions.
Dans le fond, l’Union européenne, devenue « l’Europe » dans le langage de beaucoup, accentue sa domination sur les États-membres, notamment grâce aux décisions de la présidente de la puissante Commission : encore et toujours, Ursula von der Leyen.