Les Occidentaux ont-ils présumé trop vite de l’effondrement du dispositif russe ? La déroute de Kherson début novembre, abandonnée sans combat aux forces ukrainiennes, donnait une impression de perte de pied qu’il convient de relativiser. Alors que Kiev continue à encaisser son lot quotidien de bombardements, Dmytro Ivanovytch Kouleba, le ministre des Affaires Étrangères ukrainien, a alerté jeudi 15 décembre sur le retour de « la capacité russe à mener une grande offensive [qui] pourrait être rétablie d’ici fin janvier ». Une information que confirme le chef du renseignement estonien, le colonel Margo Grosberg, qui affirme que « malgré les terribles pertes de la Russie, ses capacités militaires n’ont pas disparu ». Il parle également de plusieurs milliers de chars en préparation dans les usines russes. Pourquoi janvier ? Plusieurs indices laissent à penser que l’armée russe concentre ses efforts derrières ses lignes. Le retrait de Kherson, et plus généralement, de la région de Zaporijia, se double de la constitution d’ouvrages défensifs tout le long de la ligne de front. Les fossés antichars et les réseaux de tranchées ont vocation à fixer les combats en attendant les renforts humains et matériels. Mais pas seulement : l’arrivée du gel en début d’année facilitera le déplacement des troupes. Forte de ses 300 000 mobilisés du mois de novembre, dont 150 000 sont encore à l’instruction, l’armée russe pourrait bien retrouver sa capacité opérationnelle. Vladimir Poutine inscrit l’effort de guerre dans le temps long.
Renforcement des liens russes et biélorusses
Le président russe a rencontré son homologue biélorusse Alexandre Loukachenko lundi à Minsk. On sait déjà les liens fort qu’entretiennent les deux États, qui poussent Kiev à craindre une offensive depuis la Biélorussie. Lors de la conférence de presse qui a suivi les pourparlers, relayée par Le Monde, Vladimir Poutine a réaffirmé la proximité stratégique des deux pays, balayant dans le même temps les soupçons d’absorption de la Biélorussie dans la Fédération de Russie. « Cela n’a pas de sens tout simplement », a-t-il déclaré.
Cette entrevue pourrait avoir deux conséquences : celle, affichée, d’un rapprochement économique, dans le cadre de la résistance aux sanctions occidentales. Celle, redoutée en Ukraine, d’une montée en puissance de l’armée biélorusse, qui pourrait intervenir prochainement en soutien aux troupes russes. Les accords conclus ce lundi dans le secteur de la Défense sont décrits comme des « mesures communes pour assurer la sécurité » des deux pays, via des « livraisons mutuelles d’armes » et des formations militaires. Des pourparlers qui ont aussi un air de promesse : la Russie n’abandonne pas ses alliés. « Est-ce que nous sommes capables de protéger tout seuls notre indépendance, sans la Russie ? Non ! », a fait savoir le président biélorusse. « Et si quelqu’un pense qu’il pourrait nous séparer aujourd’hui, enfoncer un coin entre nous, il n’y réussira pas », a-t-il ajouté.
Un effet d’annonce ukrainien ?
Malgré l’avertissement d’une offensive russe, une note de l’Institute Study of War (ISW), un des principaux organismes américains d’étude de la guerre, souligne que l’armée russe a adopté une posture largement défensive depuis plusieurs semaines. L’ISW pointe notamment la démonstration de « proactivité » que suscite l’entrevue de Minsk. S’agit-il de donner une impression d’activité et d’agiter le risque d’une attaque depuis le nord de l’Ukraine, en vue de décharger le front de l’est ?
Face à ces questions, il y a un possible effet d’annonce de Kiev, qui espère ainsi continuer à solliciter les aides occidentales. Quelque jour plus tôt, les représentants ukrainiens étaient à Paris pour un sommet lucratif pour soutenir l’effort de guerre. La France a promis un soutien financier en faveur des infrastructures essentielles. Sur le milliard d’euros promis, 415 millions seront alloués au secteur de l’énergie, 25 millions pour l’eau, 38 millions pour l’alimentation, 17 millions pour la santé et 22 millions pour les transports.