« Non à la loi russe ! » scandaient les manifestants à Tbilissi, la capitale de la Géorgie, jusqu’au retrait de la loi sur les « agents étrangers », ce jeudi 9 mars. Ce projet de loi qui a été adopté en première lecture mardi par le parlement, prévoyait que les ONG et les médias recevant plus de 20 % de leur financement depuis l’étranger soient obligés de s’enregistrer en tant qu’« agents de l’étranger » ? Tout manquement serait sanctionné par une amende. La mesure semble inspirée de la loi russe sur les agents étrangers, promulguée en 2012 en Russie, qui, outre des dispositions semblables à la loi géorgienne, soumet les organismes concernés à des audits supplémentaires et à des obligations d’indiquer qu’ils sont distribués par un « agent étranger ».
Mais mardi soir à Tbilissi, les protestataires se sont rassemblés jusqu’à transformer la manifestation en émeute. Des milliers de manifestants sont descendus dans les rues de Tbilissi, exprimant leur colère. On compte au moins 77 personnes interpellées et 50 policiers blessés pour cette seule soirée. Après deux nuits marquées par de violents affrontements entre les policiers et les manifestants, l’exécutif a décidé de retirer le texte. « En tant que parti de gouvernement responsable envers chaque membre de la société, nous avons décidé de retirer de façon inconditionnelle ce projet de loi que nous soutenions », a déclaré ce jeudi le parti du Rêve géorgien, dans un communiqué publié sur son site, relayé par Le Parisien.
Les tentations occidentales de la Géorgie
Si l’injonction populaire a aussi bien fonctionné, c’est aussi parce qu’elle allait dans le sens de ce qu’espèrent ses partenaires occidentaux. La Géorgie est candidate à l’entrée dans l’Union européenne depuis le 3 mars 2022, et candidate à l’entrée dans l’OTAN depuis le lendemain de son indépendance en 1991. Les partenariats sont économiques et militaires. Aussi, quand le projet de loi a été voté mardi 7 mars, ces partenaires ont-ils vu d’un mauvais œil l’irruption d’une loi héritée de Moscou. Les nombreuses critiques internationales ont quelque chose de paradoxal : il est évident que l’intégralité des États de la planète surveillent quels investissements étrangers sont faits sur leur sol. Mais le tour de vis aux contours autoritaires a déplu.
Les pays membres de l’Union européenne ont condamné le projet de loi, le jugeant incompatible avec leurs valeurs. Lors de l’abandon décidé ce jeudi, l’UE a encouragé les dirigeants politiques géorgiens à entreprendre des « réformes favorables à l’UE ».
Une loi mal comprise
Mais pour le parti au pouvoir, le Rêve géorgien, la proposition a été injustement qualifiée de « loi russe ». Il faudra, selon leurs déclarations, attendre un « contexte émotionnel apaisé », pour expliquer au public l’importance du projet de loi et de la transparence en matière de financement étranger. Le gouvernement du Premier ministre Irakli Gharibashvili maintient que ladite loi s’inspire des lois américaines des années 1930. L’argument a aussi été utilisé par le Kremlin lors de l’adoption de sa loi semblable en 2012.