Après une longue visite auprès de son homologue gabonais Ali Bongo Ondimba, Emmanuel Macron s’est rendu jeudi soir à Luanda en Angola. Un déplacement d’à peine quelques heures auprès du Président de la République angolaise João Lourenço pour des objectifs ambitieux. La stratégie diplomatique française en Afrique, en pleine mutation, capitalise sur ses bonnes relations avec la république d’Angola pour déployer de nouveaux partenariats. Pour l’instant, les liens entre les deux pays sont essentiellement axés sur l’exploitation des hydrocarbures. Mais l’ancienne colonie portugaise est soucieuse de diversifier son activité économique, afin de limiter ses importations de produits de base. L’effondrement du prix du baril en 2020 et la difficile gestion de la crise du Covid ont servi de leçon. Pour l’allié historique de la Russie, tendre la main à la France peut être salutaire.
L’avantage de l’Angola, c’est que la France n’y est pas « comptable du passé », comme elle l’est dans ses anciennes colonies. Un partenaire d’avenir donc, peu susceptible d’être gagné par le sentiment anti-français. Reste à voir sur quels créneaux d’investissements la France peut se distinguer. L’Angola dispose d’un fort potentiel économique, avec pétrole, gaz, diamants, hydroélectricité, agriculture et pêche. L’agroalimentaire est peut-être le meilleur atout qu’Emmanuel Macron n’a pas manqué de sortir de sa poche, jeudi soir. « Nous sommes en mesure de présenter au président João Lourenço, une équipe de France capable de lui permettre de développer une forme de souveraineté alimentaire », explique un conseiller du président, relayé par Europe 1.
TotalEnergies, acteur majeur de tissu économique angolais
Avec plus d’un millier de salariés, TotalEnergies est le premier opérateur de l’Angola. Le groupe y est installé depuis 1953 et exploite notamment les plateformes pétrolières offshore de la Zone Économique Exclusive angolaise. Il faut dire que sur place Total est en pleine expansion : en mai 2021, il entamait la production du site offshore Zinia Phase 2, dont la ressource estimée est de 65 millions de barils de pétrole. Un an après, le géant français annonçait le déploiement de sa « stratégie multi-énergies en lançant trois projets dans le pétrole, le gaz et l’électricité solaire », selon son communiqué de presse. Des projets novateurs qui s’inscrivent dans une relation de long terme avec l’Angola. « Nous contribuons au développement industriel du pays », explique Patrick Pouyanné, Président-directeur général de TotalEnergies, dans le communiqué.
Investir dans le gaz et l’électricité correspond parfaitement au changement de pied voulu par le gouvernement angolais, changement encouragé par ses partenaires français. Le développement actuel de la première centrale solaire de Total en Angola répond à cette mutation des besoins locaux. Elle sera située à Quilemba, à 900 kilomètres au sud de la capitale, Luanda.
L’Angola, une histoire à vif
Colonisée par le Portugal à partir du XVIème siècle, l’Angola a pris son indépendance 1975. Le pays sud-africain conserve le portugais comme langue d’État, bien que six langues bantoues y aient aussi le statut de langue nationale. Sa superficie deux fois supérieure à celle de la France abrite pourtant deux fois moins d’habitants que cette dernière.
Dès 1975 et l’indépendance, l’Angola plonge dans une violente guerre civile opposant les deux principaux partis politiques, le marxiste MPLA (Mouvement populaire de libération de l’Angola) et l’UNITA (Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola). Le premier est soutenu par l’URSS, le second par les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Afrique du Sud. Près d’un million de personnes sont victimes de ce conflit pour le contrôle du pays. La guerre ne s’achèvera qu’en 2002, avec l’accord de cessez-le-feu de Luanda du 4 avril, sur une victoire du MPLA.
L’Angola entre réformes internes et ouverture internationale
Selon la note rédigée par France Diplomatie, le Président João Lourenço, élu en 2017, affiche la volonté de mener des réformes économiques de fond : ajustement monétaire, équilibrage budgétaire, stabilisation de la dette, lutte contre la corruption. Il s’agit notamment de mettre un frein à l’interpénétration entre intérêts privés et publics. Parallèlement, la stratégie de diversification économique correspond au besoin de plus en plus criant d’une souveraineté angolaise sur le secteur alimentaire. Un programme ambitieux de privatisation des actifs de l’État a été lancé en août 2019 dans cette optique.
Du point de vue relations internationales, le gouvernement angolais se montre particulièrement attentif à la situation insurrectionnelle de son voisin, la République démocratique du Congo, où Emmanuel Macron se rend ce vendredi 3 mars. De plus, la question des Grands Lacs est un dossier majeur de la politique extérieure angolaise, tout comme l’est la résolution des crises en Centrafrique. Devant ses multiples défis, l’Angola peut compter sur ses partenaires étrangers : depuis la fin de la guerre civile, les États-Unis se sont institués en acteur économique majeur, alors que la Russie maintient une coopération pétrolière et sécuritaire.