Trois millions d’hectolitres : une quantité folle. C’est la hauteur de la surproduction (ou de la sous-consommation) de vin en France. Dévoilé récemment par Bernard Fages, président du Comité national des interprofessions des vins, le montant de la surproduction est la cause directe de la crise qui frappe aujourd’hui les vignerons français.
Une baisse de la consommation
Les injonctions à la baisse de la consommation d’alcool, directement emmenées par des pouvoirs publics cherchant à en contrôler les excès, sont légion. Pas un message publicitaire n’a le droit de passer sans ces restrictions : il en va de même sur des plateformes sur YouTube où chaque vidéo montrant une consommation d’alcool doit comporter le message.
Le nombre d’alcooliques en France ne cesse pourtant de baisser, la part de consommateurs d’alcool allant dans le même sens. D’ailleurs, étant donné l’universalité des effets directs de l’alcool (les ivresses se ressemblent), les campagnes de sensibilisation vont s’appliquer sans discrimination. Pourtant, si les conséquences positives de la consommation de vin rouge font débat, les effets négatifs des alcools forts ou de la bière sont bien moins discutables : le vin rouge est effectivement l’un des meilleurs alcools sanitairement, mais il subit le même traitement que les autres. Une aberration aux yeux des viticulteurs.
Alors, ceci ajouté au puritanisme ambiant, la consommation d’alcool baisse génération après génération. Le drame heurte les vignerons de plein fouet : la consommation française baisse, mais les récoltes sont toujours aussi productives. Alors, la seule solution devient l’export.
À l’ouest comme à l’est, rien de nouveau
L’export, malheureusement, a subi un rude coup il y a quelques années. D’abord, sur fond de protectionnisme américain, il y eut la « taxe Trump ». Instaurée au milieu du mandat du Républicain, elle a imposé le vin français à hauteur de 25% de sa valeur, avec pour objectif de promouvoir les vins californiens. Le résultat est sans appel : entre 20 et 45% de baisse des exportations selon les cépages, et des centaines de millions d’euros de perdus pour les vignerons français.
Alors, les marchands de vin se sont logiquement tournés vers la Chine, mais la crise du Covid-19 a fait drastiquement diminuer la consommation intérieure du pays. Aucune restriction légale, bien entendu, mais les innombrables rachats de vignes par des hommes d’affaires chinois n’a visiblement pas suffit. Selon Bernard Fages, la France peut revenir en Chine. Mais cela ne sera pas suffisant, et le marché se développera progressivement qui plus est. Alors que plus de mille vignerons bordelais sont directement menacés de la perte de leur emploi, le drame pourrait être invraisemblablement plus conséquent à l’avenir : jusqu’à 150 000 destructions d’emploi sur dix ans dans un scénario catastrophique.
Alors, une seule solution semble se présenter aux vignerons sans espoir : couper, arracher ces vignes que leurs pères avaient plantées. En gagnant du terrain pour d’autres cultures, ils pourraient sans doute compenser leurs importantes pertes, mais à quel prix ? Pour ces travailleurs attachés à leur terre, arracher ces vignes, c’est un peu arracher leur cœur.