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Régis Le Sommier : « Nous avons été pris pour cible par un tank ukrainien »

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« Nous étions dans une zone située au nord de Bakhmout. Cette ville est l’objet de toutes les attentions, d’une offensive et d’une contre-offensive entre deux armées absolument colossales. 

Le secteur où nous étions était très important, car il conditionne l’accès à des axes routiers, dont le contrôle a une influence sur la suite de la guerre dans le Donbass. Les Russes essaient d’avancer sur ces axes. S’ils en prennent le contrôle, le ravitaillement ukrainien depuis Sloviansk et Kramatorsk deviendra impossible. Chacun a conscience de cet enjeu conséquent. 

J’ai couvert beaucoup de guerres. Celle-ci est différente. Un soldat me disait là-bas que même des militaires russes ayant fait les campagnes de Syrie et de Tchétchénie trouvaient que cette guerre était plus intense. On est dans une guerre qui est peut-être la Troisième Guerre mondiale. En tout cas, ce qui m’a surpris, c’est cette vie sur la ligne de front où nous avons passé un peu de temps. 

La ligne de front, c’est une zone qu’on voit parfois dans les films, qui ressemble à une sorte de chaos où il y a des explosions tout le temps. La pièce maîtresse de cette ligne de front, c’est le drone. S’il y avait une cathédrale militaire, le drone en serait la clef de voûte. C’est du drone que convergent toutes les informations, qui seront ensuite transmises aux pièces d’artillerie, aux obusiers, aux lance-missiles, et aux tanks. Ce dernier est le souverain du champ de bataille, mais qui est devenu vulnérable. 

Les Russes envoient plusieurs drones, et sont capables de visualiser le tout sur une seule entité : le tout se passe dans un bunker situé sur la ligne de front, où on voit plusieurs soldats en sous-sol, que les Ukrainiens ne peuvent pas atteindre. Les opérations sont pilotées ici. 

Il y a la même chose de l’autre côté, ce que nous avons appris à nos dépens, puisque quand on est arrivé sur cette ligne de front en voiture civile, nous cherchions à être discrets. Or, nous avons été repérés dès notre arrivée : la voiture s’est garée le long d’une grange, une partie de l’équipe, dont notre caméraman, a suivi le commandant qui allait dans la tranchée. Nous étions censés, avec mon fixeur Charles d’Anjou [NdlR : président d’OMERTA], les rejoindre, mais immédiatement, les tirs ont plu sur nous. Un premier obus est tombé : nous nous sommes réfugiés dans un hangar. Nous étions avec un soldat, seuls. Il était très inquiet, et nous avons commencé à entendre des voix en russe nous apostropher depuis l’autre côté du mur de la grange. C’était un moment très intense, car le soldat ne savait pas s’il devait répondre : nous avons pensé un moment que ceux qui nous appelaient étaient Ukrainiens. 

Le soldat a finalement décliné son identité, a demandé qui était derrière le mur : c’était heureusement un soldat russe de la même unité. Tout cela se passe en même temps que les tirs d’un tank ukrainien qui nous avait repérés : imaginez notre angoisse ! 

Nous étions bloqués. » 

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