Dix-sept ans, déjà, que Dominique de Villepin décidait de la privatisation des autoroutes publiques françaises, vendues à l’emporte-pièce à Vinci et Eiffage. Décision longtemps critiquée par la gauche ou Nicolas Dupont-Aignan, elle ne manque pas de soulever un nouveau scandale depuis la sortie de l’article du Canard Enchaîné sur le sujet.
Le palmipède y révèle ainsi une histoire surprenante. En 2021, l’Inspection des finances s’était intéressée à la situation des autoroutes, désormais largement privatisées, en étudiant les profits réalisés par Vinci et Eiffage. Le résultat ? 12% de bénéfice, soit largement plus que ce que l’accord de privatisation prévoyait, à 7,67%. L’État s’est trompé, et a sacrifié un secteur public, perdant par la même occasion un total de 15 milliards d’euros pour l’instant, ainsi que l’expliquait le député LFI François Ruffin il y a quelques jours à la tribune de l’Assemblée nationale.
Celui-ci dénonçait un « gavage de riches » orchestré par la droite et la gauche. Premier point, la vente « dix milliards d’euros sous le prix » des autoroutes par Jean-Pierre Raffarin. Pour rappel, la décision venait de Dominique de Villepin, son prédécesseur, dont le chef de cabinet était alors un certain Bruno Le Maire.
Des solutions mises au placard
Alors que l’actuel ministre de l’Économie a passé son année 2022 à « appeler » les entreprises à « faire des efforts », il a vraisemblablement oublié dans ses admonestations les entreprises autoroutières, contre l’avis de l’Inspection des finances, placée sous son autorité.
Celle-ci avait pourtant d’intéressantes suggestions à faire, qui auraient permis de réaliser de fortes économies. La première, c’est d’écourter les concessions accordées aux entreprises de neuf à dix ans. La seconde, c’est une baisse « drastique » des coûts des péages : plus de la moitié de leur coût, pour les deux tiers des tronçons. Selon Le Canard Enchaîné, cela représenterait « 21 euros environ sur un trajet Marseille-Toulouse, ou Paris-Lyon, de 35 euros ». Une somme conséquente, encore plus au regard de l’augmentation du prix de l’essence depuis un an.
La dernière suggestion serait également tout à fait logique : prélever « 63% de l’excédent brut d’exploitation » afin de rentrer dans les clous. Somme totale ? 55,4 milliards d’euros pour la période 2021-2036.
Alors que nos confrères interrogent le ministère des Transports, celui-ci nie toute augmentation des bénéfices. Pourtant, l’Inspection générale des finances n’en démord pas dans son rapport : « le pouvoir de négociation de l’État […] doit être renforcé ». Mais alors, pourquoi si peu de volonté politique, alors même que les tarifs devraient subir une hausse de près de 5% cette année ?
Seules des hypothèses peuvent être actuellement formulées. Une piste, cependant, serait peut-être son court passage à Eiffage, qui détient un certain nombre de concessions autoroutières. Une autre, l’implication de la Qatar Holding LLC et de BlackRock dans Vinci, qui détient l’autre partie de ces autoroutes.