AccueilGéopolitiqueÉtats-Unis : Donald Trump peut-il revenir au pouvoir ?

États-Unis : Donald Trump peut-il revenir au pouvoir ?

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« Complot à l’encontre de l’État américain » et « atteinte aux droits électoraux ». Le procureur spécial Jack Smith n’y est pas allé de main morte. Il demande un « procès sans délai ». Celui-ci pourrait venir contrarier les rêves de retour à la Maison-Blanche de l’ancien président américain.
On ignore à ce stade si Donald Trump pourra revenir aux affaires, ni même s’il sera autorisé à se présenter à la primaire des Républicains l’an prochain. En tout cas, il y pense, et sérieusement, même si on ne peut plus savoir chaque minute ce qui se passe dans sa tête. Il tweete en effet nettement moins qu’auparavant. Il s’est un peu assagi, même s’il a récupéré ce compte qui était autrefois son principal canal de communication. Ils étaient 88 millions à le suivre lorsqu’il était au sommet de sa gloire. 
 
Plusieurs sondages montrent que, contre vents et marées, l’ancien locataire de la Maison-Blanche est toujours le plus populaire pour la présidence de 2024. Ses excès n’ont pas joué contre lui. Au contraire : depuis qu’il a quitté la présidence, Trump n’a rien perdu de son emprise sur le Parti Républicain, où rares sont les téméraires qui lui disputent son influence. On notera la courageuse Liz Cheney, la fille de l’ex-vice-président Dick Cheney. Il y a aussi Micke Pence, l’ex-vice-président de Trump. Dans l’affaire qui nous concerne, Pence a dénoncé Trump en l’accusant de l’avoir poussé avec « ses avocats cinglés » à refuser les résultats de l’élection présidentielle. 
 
Mais même si Micke Pence rêve maintenant de se présenter à l’élection, voici une anecdote révélatrice des chances qu’il a d’y parvenir. Il y a quelques mois, Trump et Pence tenaient meeting tous les deux à Washington DC. Sans surprise, au rassemblement de Trump, on refusait du monde tandis que chez Pence, la salle était à moitié vide. 
Les autres, les Marco Rubio, Ted Cruz, Lindsey Graham ou encore son concurrent le plus sérieux, le gouverneur de Floride (star montante du parti) Ronald DeSantis se contentent pour l’instant de faire de la figuration. 
Donald Trump n’a en effet rien perdu de cette connexion particulière avec les Américains dont Twitter était autrefois l’outil, ni de ses qualités de milliardaire des pauvres, de voix de la revanche des oubliés de la mondialisation, du champion du « America First! ». Et aujourd’hui, ça compte, au vu de la popularité déclinante de Joe Biden, de sa santé chancelante, et d’une affaire dont on parle très peu en France, mais qui agite sérieusement les Américains, celle qui concerne son fils, Hunter Biden, accusé de corruption. Pour revenir à Trump, seul un événement jusqu’ici semblait pouvoir lui barrer la route de la candidature et même le conduire derrière les barreaux. C’était ce fameux 6 janvier 2020 avec l’attaque de ses partisans contre ce lieu symbolique de la démocratie américaine qu’est le Capitole. 
L’enquête accuse en effet Donald Trump d’avoir exercé une influence sur les événements du 6 janvier, mais surtout d’avoir fait pression sur des grands électeurs dans les États pour que ceux-ci ne valident pas les résultats des élections lorsque ceux-ci penchaient en faveur de Joe Biden. Ce fut le cas en Arizona, en Géorgie ou au Nevada. L’enquête l’accuse expressément de tentatives d’inverser le résultat de l’élection présidentielle de 2020, basées sur le « grand mensonge », c’est-à-dire de faire croire que l’élection allait être truquée et que, s’il perdait, il aurait été victime d’une fraude. 
 
La responsabilité directe de Trump dans l’affaire du Capitole est difficilement prouvable. Une vidéo de l’époque le montrait appelant ses partisans à rentrer chez eux. Il est infiniment difficile de prouver son implication devant la justice. Enquêteurs et procureurs connaissaient cette fragilité. Aussi ont-ils porté leur attention sur des comportements beaucoup plus problématiques pour un président en exercice : les pressions exercées par Trump et ses avocats sur les grands électeurs locaux. Celles-ci constituent une infraction au regard de la loi américaine. L’acte d’accusation de 45 pages fait notamment état d’un « projet criminel », lui reprochant d’avoir sapé les fondements de la démocratie américaine en tentant d’altérer le processus de comptabilisation des résultats du vote de plus de 150 millions d’Américains, des inculpations d’autant plus graves qu’il était alors président en exercice.
 
Les deux autres poursuites pénales qui le concernent s’adressent à un Donald Trump qui n’était pas président. L’une a trait à des fraudes comptables liées à l’achat du silence d’une actrice de films X, et l’autre au fait d’avoir compromis la sécurité nationale par sa désinvolture dans le traitement de documents classifiés. Elles portent sur des périodes précédant et suivant son mandat.
On se souvient qu’en février 2022, sa résidence de Floride avait été perquisitionnée par le FBI. Les autorités avaient récupéré chez lui des cartons de documents classés « secret défense ». Je m’arrête un instant sur la façon dont Donald Trump avait trouvé la parade à l’époque. « Notre nation vit des jours sombres, ma belle demeure, Mar-a-Lago à Palm Beach, en Floride, est assiégée et a été perquisitionnée et occupée par de nombreux agents du FBI ». Trump n’est jamais aussi bon que lorsqu’il se fait passer pour une victime. « Ils ont même forcé mon coffre-fort », se lamentait-il.
 
Ces deux affaires ne sont pas de nature à le faire tomber ou à enterrer ses velléités de retrouver la Maison-Blanche. Pour l’affaire concernant les élections, c’est une autre histoire. Saura-t-il s’en sortir ? L’avenir de Trump repose certainement sur l’excellence de ces avocats… Une excellence qui a bien sûr un prix. L’ex-président républicain brasse beaucoup d’argent. Son comité de levée de fonds a engrangé plus de 54 millions de dollars au cours du premier semestre de l’année. Il surclasse ses rivaux. Mais son trésor de guerre est menacé. Car ces affaires, c’est autant de frais d’avocat qui ne sont ainsi pas dépensés dans des publicités à la télévision, des meetings ou des déplacements de campagne. Il ne lui restait plus que quatre millions de dollars à la fin juin. Pourra-t-il se refaire ?
 
Je conclurais par la phrase suivante : « No such thing as bad publicity » (la mauvaise publicité, ça n’existe pas) comme on dit aux États-Unis. Trump maîtrise l’art de la provocation et joue parfaitement de l’image du persécuté par l’État profond qu’il combat. Il sait comment se placer au centre du débat public, faire que l’univers tourne autour de sa personne et occulter complètement les autres. Chaque démêlé judiciaire provoque un afflux de sympathies pour sa personne. Lui-même assure n’avoir « jamais reçu autant de soutien » que depuis sa mise en accusation. Mais cela ne suffira peut-être pas. Ce n’est pas le tout d’être populaire. Il y a la loi. Rendez-vous en avril prochain où l’issue de ce troisième procès déterminera s’il pourra ou non se présenter à la présidentielle. 

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