« Toute la Grèce est bleue »
Kyriákos Mitsotákis n’a pas seulement été réélu : il a obtenu la majorité absolue au parlement grec, la Vouli, alors que son succès au deuxième tour des élections législatives devrait lui rapporter 158 sièges sur 300 selon les experts. Autrement dit : exactement ce qu’aurait souhaité obtenir Emmanuel Macron aux législatives de juin dernier, en France.
Après un succès en demi-teinte aux élections de mai, le fils de l’ancien Premier ministre Konstantínos Mitsotákis avait posé sa démission pour forcer la dissolution du Parlement et provoquer ad consequentiam un nouveau scrutin. Pari réussi. Pour son dernier discours face à ses militants avant le vote, le candidat confiant scandait déjà : « Ola Elada einai ble », « toute la Grèce est bleue ». Force est de constater qu’il ne s’était pas trompé, puisqu’hormis les Rhodopes, au nord-est, toutes les circonscriptions ont arboré les couleurs du conservateur lors de ce deuxième tour qui lui offre sur un plateau quatre années supplémentaires à la tête du pays.
Loin derrière, la gauche Syriza d’Alexis Tsipras compte ses plaies. Avec seulement 17,84 % des suffrages (soit 2,2 points de moins que le 21 mai) l’ancien Premier ministre entre 2015 et 2019 fait moins de la moitié que son concurrent, qui engrange 40,55% des voix, soit un point de plus qu’aux élections déjà victorieuses de 2019.
« Le peuple, pour la deuxième fois en quelques semaines, nous a donné un mandat fort pour avancer vers les grands changements dont le pays a besoin », plastronnait-il après sa victoire, même si la faible participation (52,7 % des électeurs dans les urnes) mitige le constat. Les félicitations extérieures ont suivi la sienne propre : côté Biden, on a « hâte de poursuivre notre coopération étroite autour de priorités partagées pour promouvoir la prospérité et la sécurité régionale ». Emmanuel Macron congratulait un « ami et partenaire de la France », qu’il veut emmener dans la construction d’une « Europe plus forte et plus souveraine ».
Croissance et inflation, à la sauce sécuritaire
Reste maintenant que les Grecs, et particulièrement les plus démunis, l’attendent au tournant. Car si la croissance est effectivement revenue en Grèce (5,9% en 2022, accompagnée d’une baisse salutaire du chômage après dix ans de crise continue), elle ne vint pas sans son lot d’inflation sévère, qu’il doit désormais s’agir de compenser pour les ménages à bout de souffle.
À cet effet, le plan pour une « Grèce forte » du dirigeant renouvelé comprend une augmentation significative des salaires, de 25% en moyenne, concentrée sur les plus bas d’entre eux. Mitsotákis mise également sur une baisse de la fiscalité pour attirer les investissements étrangers, ainsi que des réformes dans le domaine de la santé et de la justice, et la poursuite d’une politique migratoire « dure mais juste ».
Naufrage en mer de gauche…
C’est en partie cette politique sécuritaire et migratoire qui lui a valu un tel soutien, et ce malgré le naufrage d’un bateau de migrants ayant fait plus de 80 morts. Malgré ses tentatives, son concurrent Alexis Tsípras n’a pas réussi à capitaliser sur la nouvelle pour renverser la tendance déjà défavorable, et s’enfonce dans la crise. La politique « sévère mais juste » du conservateur, en revanche, a trouvé plus d’écho auprès des électeurs. Insistant sur le professionnalisme des garde-côtes, qui ont proposé leur aide au bateau vétuste et plein à craquer, aide que la capitaine a aussitôt refusé afin de continuer sa route vers l’Italie.
La stratégie de Tsípras : dénoncer l’inhumanité des garde-côtes. « Quels sont les protocoles qui ne forcent pas le sauvetage ? La réponse du capitaine est-elle suffisante alors que c’est vraisemblablement un trafiquant qui refusera évidemment d’être secouru parce qu’il sait que si les autorités interviennent, il sera arrêté, » clamait-il en déplacement à Kalamata. Mais la franche opposition des Grecs à une politique migratoire plus souple n’a pas aidé le candidat de Syriza, plutôt accusé de récupération que félicité pour son commentaire. Les urnes ont plus tard confirmé ce jugement.
… Quand l’extrême droite fait surface
En plus d’une politique migratoire et sécuritaire appuyée, le premier mandat Mitsotákis a vu fleurir plus de 200 nouveaux programmes militaires, élevant la part du budget de défense à 3,5 % du PIB, soit le plus haut ratio au sein des pays de l’Union européenne. Mais tout cela n’a pas semblé suffisant pour une partie des Grecs. Ils se sont alors tournés vers l’extrême droite, qui doit obtenir plus de 35 sièges sur 300 à la Vouli, avec pas moins de trois partis plébiscités.
Avec Solution grecque (4,45 %) et Victoire (3,71 %), un troisième fait particulièrement parler pour sa parenté avec l’ancien parti néonazi Aube Dorée, dissout depuis. Revenu par la petite porte à travers le parti Spartiates, le courant obtient 4,7% des voix, et pourra compter sur pas moins de 13 sièges à la Vouli ces prochaines années.
Quoi qu’il en soit, droite libérale comme extrême droite sirotent depuis hier une franche victoire, qui confirme la poussée globale en Europe. L’Union des 27 compte donc toujours 21 gouvernements dits de droite, tandis qu’en Allemagne un parti d’extrême-droite, Alternative pour l’Allemagne (AfD), remporte pour la première fois une élection locale sous des slogans tels que « Protéger les frontières » et « En finir avec l’euro ».