C’est un endroit que les équipes d’OMERTA connaissent bien. Le barrage de Nova Kakhovka filtre les eaux du Dniepr à 80 kilomètres nord de la ville de Kherson, il est notamment équipé d’une centrale hydroélectrique, détruite depuis la nuit du 5 au 6 juin. La zone est actuellement sous contrôle russe, mais les belligérants se renvoient la responsabilité de cette destruction. Elle met en péril des milliers d’habitants. En septembre 2022, notre directeur de la rédaction Régis Le Sommier s’était approché du barrage et avaient constaté qu’il était déjà à l’époque l’objet de tirs d’artillerie, visibles dans le documentaire « Front Russe ». La structure de l’édifice pourrait aussi bien avoir été fragilisée par les combats qui s’y sont tenus à l’automne dernier. Les vidéos de l’explosion du barrage manquent de clarté quant aux causes de l’accident.
Les images des inondations en cours sont impressionnantes. « Le barrage continue de s’effondrer par sections et le niveau d’eau dans le réservoir baisse de 15 cm par heure. Pour l’instant, le refroidissement de la centrale nucléaire de Zaporizhia (ZNPP) ne pose pas de problème. Mais elle pourrait devoir être fermée si le refroidissement devenait problématique », commente l’analyste suédois Mikael Valtersson sur Twitter.
16 000 personnes menacées, à qui profite le crime ?
Selon France 24, le maire pro-russe de la localité de Nova Kakhovka est convaincu qu’il s’agit d’un « acte terroriste ». Dans le même temps, Kiev accuse les Russes d’avoir fait sauter le barrage et Volodymyr Zelensky convoque son Conseil de sécurité. La destruction partielle du barrage provoque depuis ce matin des inondations progressives dans toutes les localités avoisinant le Dniepr, et notamment Kherson. Des appels à évacuer ont été passés, mais les pertes risquent d’être immenses. Les Ukrainiens affirment que les Russes en sont à l’origine, car cela contribuerait à empêcher la contre-offensive ukrainienne probablement entamée depuis deux jours. Une comparaison revient régulièrement : en 1941, les Soviétiques avaient fait exploser une centrale hydroélectrique à Dnipro pour empêcher la progression des troupes allemandes. Vingt-mille personnes avaient alors perdu la vie dans les inondations.
Il est en effet probable que la reprise de combats intenses un peu plus à l’est, non loin de Vouhledar, ait fait craindre un débordement du dispositif russe par l’ouest, depuis Kherson. Bien qu’on manque encore de certitudes à ce stade, les Russes pourraient avoir anticipé le passage du Dniepr par les troupes ukrainiennes, dont les moyens de franchissements sont limités. Une inondation de cette ampleur complexifie nécessairement toute la chaine logistique militaire, par une mobilisation en urgence des moyens au service de la population. D’un autre côté, les Russes laissent entendre que l’évènement est un détournement d’attention de la part de Kiev, dont la contre-offensive de ces deux derniers jours serait un échec meurtrier, selon le Kremlin. D’autant que les inondations handicapent aussi largement la rive gauche tenue par ses troupes, avec notamment les lignes de fortifications qui longent le fleuve.
Selon Kiev, « 150 tonnes d’huile moteur » ont été déversées dans le Dniepr
Relayés par le journal Le Monde, les responsables ukrainiens affirment que « 150 tonnes d’huile moteur » se sont déversées dans le fleuve Dniepr à la suite de la destruction du barrage. Ils mettent en garde contre un risque environnemental. « Il existe également un risque de nouvelles fuites d’huile, ce qui a un impact négatif sur l’environnement », a fustigé l’administration présidentielle ukrainienne sur télégramme, qui dénonce « un écocide » de la part de la Russie. Outre les habitants, c’est aussi la faune et la flore de cette partie sud de l’Ukraine qui est aussi menacée.