Lundi matin, le premier ministre a réuni un Conseil national de la transition écologique. Chargé par le président de la République de « la Planification écologique et économique », Élisabeth Borne, Premier ministre, a convoqué ce matin un conseil national afin de préparer un nouveau plan climat pour parvenir à atteindre les objectifs de la directive européenne « Ajustement à l’objectif 55 », qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de 55% par apport à 1990 d’ici à 2030. Cette injonction a été introduite en 2005 par la Commission européenne. La France est depuis lors très en retard, puisqu’elle n’a réduit ses émissions que de 25%, contre 41% pour la moyenne européenne. Au cours de ses déclarations, le Premier ministre a d’ailleurs rappelé « qu’il faut faire en huit ans plus que ceux que l’on a fait au cours des trente-deux dernières années. ». Le lancement de cette opération fait suite à la réception par le ministre d’un rapport commandité par Matignon à France Stratégie et dirigé par l’économiste Jean Pisani-Ferry.
Un rapport aux objectifs ambitieux et au coût pharaonique
Les investissements nécessaires, pour assumer une telle baisse des émissions de gaz à effet de serre, seraient estimés, tous secteurs confondus, à 60 milliards d’euros par an. Ils se répartiraient (cités selon leur coût décroissant de financement) entre : le bâtiment, logement et bâtiment tertiaire, l’énergie, les transports, l’industrie et l’agriculture. Ces dépenses couteraient 20 points de produit intérieur brut (PIB) d’ici à 2050 ou encore 500 milliards d’euros. Le rapport ajoute que les coûts de ces investissements n’avaient pas les ambitions d’être amortis, comme le rappelle dans son rapport l’économiste : « La hausse des investissements n’entraînera ni augmentation des capacités de production, ni accroissement de la productivité ». Dit autrement, ces investissements représentent une perte nette peu réductible pour l’économie, en prenant en compte que les baisses de consommations énergétiques, qu’elles impliqueraient, seraient peu ou prou compensées par l’inflation énergétique. Autre enjeu politique, la répartition de la prise en charge budgétaire entre secteur public et secteur privé ; ménages et entreprises. Que ce soit pour le budget d’un ménage ou pour celui d’une entreprise, ces coûts ont un caractère très inégalitaire comme le précise le rapport. Un changement de chauffage représente ainsi 79 % du revenu annuel moyen d’un ménage très modeste, contre 44 % de celui des classes moyennes. Idem pour les entreprises ou les économies d’échelle et les capacités de trésorerie peuvent jouer en faveur des grosses entreprises aux dépens des petites d’un secteur. Autrement dit, cela signifie qu’une importante partie des frais de financement devra être prise en charge par l’État, pour que les mesures soient socialement et politiquement acceptées.
Quid du financement public ?
Concernant les dépenses publiques directes et indirectes, se pose bien entendu la question du financement. Élisabeth Borne dans le communiqué de la réunion de lundi soir, a bien précisé vouloir « demander un peu aux petits et beaucoup aux gros ». Pour garantir de tels investissements, le rapport préconise tout d’abord l’usage de transitions budgétaires, en redéployant des « dépenses brunes » vers des « dépenses vertes ». Ces diverses mesures pourraient permettre, selon le rapport, de dégager entre 10 et 20 milliards d’euros par an. Mais ces mesures seraient alors insuffisantes, ce qui suppose, dès lors, une hausse des taxes ou la création d’un nouvel impôt. Jean Pisani-Ferry propose dans ce sens la création d’un « Un prélèvement forfaitaire exceptionnel de 5 %, dans une fenêtre de 30 ans », du patrimoine financier des 10 % de Français les plus riches. Selon France Stratégie, la mesure rapporterait 150 milliards d’euros sur 30 ans en précisant que la décille supérieure de la population française dispose de 3 000 milliards d’euros d’actif financier. Ni le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, ni le président de la Cour des comptes ne semblent d’ailleurs opposés à cette mesure, comme ce dernier l’a indiqué dans un entretien à la matinale de France Inter. Le troisième moyen serait, bien entendu d’emprunter sur les marchés financiers tout en sachant que les taux d’emprunts montent et que la note de la France, c’est à l’évaluation de la capacité de remboursement, a été dégradé par l’agence de notation Fitch passant de AA à AA-.
Et tout cet effort pour…
La véritable difficulté de la mise en place de ces mesures est leur impact réel sur le changement climatique. Comme le note l’ancien commissaire de France Stratégie, la question du réchauffement climatique est un enjeu global qui nécessite une réponse globale. Si un ou plusieurs pays se résignent à faire baisser leurs émissions, sans que cela soit suivi par les autres pays du monde, le bénéfice de ces efforts est inexistant. Or, les émissions de CO2 de l’UE ne représentent que 12,5 % du total mondial, en sachant qu’une part conséquente de la baisse des émissions de l’Europe ces trente dernières années sont le résultat de la désindustrialisation de vieux continent aux dépens de la hausse de celles des pays émergents.