Après plus d’un mois de crise majeure à Gaza, on est en droit de s’interroger sur la difficulté du Président de la République française de convaincre, tant à l’intérieur du pays qu’à l’international.
Sur le plan intérieur, sa principale faute dans ce dossier semble jusqu’ici avoir été de ne pas se joindre aux manifestants contre l’antisémitisme le 12 novembre. Alors que Marine Le Pen, dont la présence a notamment été saluée par Serge Klarsfeld, Gérard Larcher, Éric Zemmour ou Nicolas Sarkozy crevaient l’écran à l’occasion de ce défilé parisien, son absence a choqué, notamment dans son électorat et au sein de la communauté juive. Macron a cependant appelé les Français à se mobiliser contre « l’insupportable résurgence d’un antisémitisme débridé », dans une lettre publiée dans Le Parisien du 11 novembre. Pas sûr que cela suffise. L’Express a de plus révélé qu’afin de prendre la température des banlieues, deux conseillers d’Emmanuel Macron avaient reçu dans les jours précédents la manifestation de dimanche l’humoriste controversé Yassine Bellatar, aux liens anciens avec le Président de la République et fervent soutien de la cause palestinienne.
Sur le plan international, Emmanuel Macron a d’abord appelé à éradiquer le Hamas au lendemain du 7 octobre. Il a ainsi soutenu inconditionnellement l’État d’Israël. Puis il a lancé l’idée saugrenue de transformer la coalition anti-Daesh forgée dans l’affaire syrienne en « coalition internationale » anti-Hamas. En caricaturant à peine, cela aurait débouché sur une intervention occidentale et arabe à Gaza. « L’initiative n’a pas vécu 24 heures », analyse Isabelle Lasserre dans Le Figaro du 14 novembre. Elle était « absolument irréfléchie, inutile et inopérante », a tranché dans les colonnes de Marianne Yves Aubin de la Messuzière, ex-ambassadeur dans la région, pourtant soutien déclaré d’Emmanuel Macron en 2017.
Perdre sur tous les tableaux
Puis, lors du Sommet de la Paix qui s’est déroulé le 9 novembre et à l’occasion d’une interview à la BBC enregistrée le lendemain, Emmanuel Macron a réclamé non plus une « trêve humanitaire », mais un « cessez-le feu » bien improbable pour qui connaît la position israélienne. Cette reculade, justifiée par un souci d’équilibre à l’international, relèverait d’une stratégie contre-productive, selon Isabelle Lasserre, qui invoque à ce propos le précédent de la guerre en Ukraine, où Emmanuel Macron sembla d’abord ménager Vladimir Poutine. L’interview de la BBC a ensuite entraîné une clarification du Président français via un appel téléphonique à son homologue israélien Isaac Herzog.
Après un tel slalom de la voix officielle de la France, les Israéliens sont passablement échaudés tandis que l’opinion arabe pense la France alignée sur Israël et les États-Unis. Comment perdre sur tous les tableaux en quelques semaines…
Cette situation inquiète des ambassadeurs français actuellement en poste au Moyen-Orient et au Maghreb « regrettant le virage pro-israélien pris par Emmanuel Macron », selon le journaliste Georges Malbrunot, encore dans Le Figaro. Au point qu’ils ont exprimé collectivement dans une note diplomatique leur inquiétude quant à l’hostilité croissante pour la France qu’ils voient sourdre dans le monde arabo-musulman. Cette colère se traduira-t-elle aussi sur le territoire français, dans les populations immigrées ou d’origine étrangère ? La résurgence d’actes antisémites en France depuis le 7 octobre donne un premier élément de réponse.