C’est en 1958, jeune trentenaire, que Jean Raspail publia Le Vent des Pins, rédigé à l’issue d’un long séjour passé deux ans auparavant au Japon. Republié en 1970 sous le titre Bienvenue honorables visiteur, ce roman était devenu une rareté bibliophilique, Jean Raspail n’ayant pas souhaité le faire réimprimer par la suite. Cet oubli est aujourd’hui réparé par l’intercession des fidèles amis de l’écrivain qui enchanta plusieurs générations par ses écrits journalistiques et littéraires. Souvent tancé par la presse de gauche pour ses opinions politiques réactionnaires, Jean Raspail (1925-2020) n’en fut pas moins un auteur à succès, hanté par la disparition des civilisations traditionnelles et l’effacement progressif de la diversité des peuples au profit d’un monde globalisé, dont la consommation serait devenue la divinité suprême.
Quelque-part entre Voltaire et Pierre Benoit
Bienvenue honorables visiteurs raconte la découverte du Japon par une dizaine de touristes de diverses nationalités menés par le patron français d’une agence de tourisme de luxe. Dans leurs pérégrinations, ils se retrouvent pilotés par un étudiant japonais francophone censé les introduire à l’univers exotique des geishas et autres samouraïs. S’ensuivent des descriptions d’un Japon travaillant à l’occidentale dans la journée pour mieux revenir aux préceptes de son auguste et antique civilisation le soir. Les voyageurs étrangers, eux, sont pour certains, à commencer par les Américains, dépeint avec une certaine férocité par Jean Raspail maniant une « ironie presque voltairienne » selon le professeur Alain Lanavère. Dans sa préface érudite, ce dernier salue à juste titre « un ton un peu insolent, doucement moqueur, narquois, dont nul ne saurait se plaindre ». Il insiste aussi sur l’influence de la lecture des romans de Pierre Benoit sur l’art romanesque que déploie Jean Raspail dans ce livre.
Jean Raspail, Bienvenue honorables visiteurs, Les 7 cavaliers, 282 p., 25 euros