Accord Ukraine-USA : la paix dans le camp des Russes ?

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Les Ukrainiens ont-ils vraiment eu le choix ? Une des petites phrases de Donald Trump, vous savez cette façon qu’il a de commenter encore et toujours ce qu’il est en train de faire, peut peut-être nous éclairer sur ce point. « Ils nous ont donné plus de fil à retordre que les Russes », a lâché le président en commentant l’accord pour un cessez-le-feu intervenu hier soir à Djeddah en Arabie Saoudite entre les délégation américaine et ukrainienne.

Dirigés par Andryi Yermak, le tout puissant chef de cabinet du président Zelensky, lui-même rentré à Kiev, les Ukrainiens ont obtenu deux points principaux. D’abord la réactivation des aides militaires américaines, surtout le renseignement, qui étaient conditionnées à l’acceptation par Kiev du processus de paix et de l’accord sur les minerais rares exigé par Trump. L’absence du renseignement américain a lourdement handicapé l’Ukraine sur le front depuis quelques jours. Il est une des causes de l’effondrement du front à Soudja dans l’oblast de Koursk par exemple. Reprenant une idée émise par Emmanuel Macron au lendemain du sommet de Londres consécutif à l’humiliation de Zelensky à Washington, Yermak avait initialement proposé un « cessez-le-feu dans les airs et sur les mers ». Il est allé plus loin en acceptant qu’il soit étendu à tous les fronts pour une durée de trente jours renouvelables, en échange de la reprise de l’aide américaine.

Le Secrétaire d’État américain, Marco Rubio, a aussitôt salué ce qui représente selon lui un pas vers la paix. « La balle « pour la paix » est dans le camp de la Russie et nous espérons qu’elle sera d’accord », a-t-il déclaré à l’issue des négociations. Le Conseiller à la Sécurité Nationale de Donald Trump, Mike Waltz, a lui précisé qu’il s’entretiendrait avec un représentant russe « dans les jours qui viennent », montrant ainsi qu’à la différence des pressions habituelles de Trump lorsqu’il s’agit d’obtenir quelque chose, il n’y avait cette fois pas de limites de temps pour que les Russes répondent.

Le président Zelensky, au contraire, a donné aussitôt son approbation : « Si nous sommes d’accord, et si la Russie est d’accord, alors le silence commencera ». On est loin du « mais quelle genre de négociations voulez-vous engager (avec quelqu’un comme Poutine) ? » à l’adresse de JD Vance qui avait mis le feu aux poudres lors de la rencontre dans le Bureau ovale.

Comment les Russes vont-ils réagir ? Vont-ils considérer qu’il s’agit d’une énième redite des accords de Minsk dans lesquels un gel du front n’avait pas été accompagné de garanties internationales suffisantes, d’aucune sanction en cas de violation de l’accord et surtout d’aucune restriction en matière d’aide militaire à l’Ukraine ? Si l’on en croit Emmanuel Macron, qui réunissait hier à Paris les chefs d’État-major de 31 pays, l’Europe, avec la France et l’Angleterre en pointe, se montre davantage dans une posture guerrière de continuation de la guerre, que dans l’acceptation d’un cessez-le-feu dont il n’est pour rien dans la négociation. Encore une fois, nous sommes à contretemps de l’histoire qui s’écrit. Contretemps dans nos capacités à remplacer les États-Unis qui sont insuffisantes, contretemps dans le timing du réveil guerrier européen nécessaire certes, mais martelé à outrance alors qu’une paix s’annonce.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov expliquait hier que « ce qui est important pour nous n’est pas un cessez-le-feu qui permettrait à l’Ukraine de se réarmer contre une fois de plus notre pays, mais d’établir un accord sur le long terme d’une paix durable basé sur l’élimination des causes qui sont à l’origine de ce conflit ». « Démilitarisation » et « dénazification », telles avaient été, on s’en souvient, les objectifs émis par Vladimir Poutine pour justifier l’opération spéciale en Ukraine de février 2022. Si l’on peut constater que l’OTAN n’est pas mentionnée dans l’accord entre Américains et Ukrainiens d’hier, ce qui était une condition absolue pour les Russes, l’aide européenne à l’Ukraine est prévue et même souhaitée par les Américains. Dans la bouche de Pete Hegseth, le Secrétaire à la Défense de Trump avait estimé en préambule de la Conférence de Munich sur la Sécurité que cette aide devait être « massive », les États-Unis ayant choisi la voie du désengagement.

Aux objectifs initiaux, le président russe avait rajouté d’autres exigences au cessez-le-feu en juin dernier. Il s’agissait d’un retrait des troupes ukrainiennes de la totalité des quatre régions annexées par la Russie, Kherson, Zaporijjia, Donetsk et Lougansk, même des zones que Moscou ne contrôle pas actuellement. L’abandon par l’Ukraine de son projet d’adhésion à l’OTAN, avec une garantie de neutralité permanente. Enfin la reconnaissance de la souveraineté russe sur la Crimée, annexée en 2014. L’écart entre l’accord conclut et les exigences russes apparaît dès lors comme énorme. Est-il insurmontable ? Les jours prochains et la nouvelle rencontre entre Russes et Américains devrait néanmoins nous donne une indication sur le fait qu’il puisse constituer une base solide et prendre forme. Une chose est certaine, tout le monde dont les Européens, à l’exception peut-être des Pays Baltes, parle désormais de négociations et de paix comme s’il s’agissait d’une évidence et d’un but. Avant l’entrée en fonction de Donald Trump, ne l’oublions pas, prononcer ces mots, c’était soutenir les Russes…

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