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A qui profite la normalisation des relations entre l’Arabie Saoudite et l’Iran ?

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Le 10 mars 2023, à Pékin, Saoudiens et Iraniens signaient en grande pompe un accord historique. Grâce à la médiation chinoise, les deux vieux ennemis ont entrepris de normaliser leurs relations, dernièrement rompues en 2016, mais chaotiques depuis la moitié du XXᵉ siècle. Sous l’œil vigilant de Wang Yi, ancien ministre des Affaires étrangères chinois et désormais directeur du bureau central des affaires étrangères, deux dignitaires, Ali Shamkhani, le secrétaire du conseil national de sécurité iranien et Musaid al Aiban, son homologue saoudien, ont signé cet accord. Il prévoit notamment la réouverture prochaine des ambassades saoudienne et iranienne, la relance de discussions en matière de sécurité, ainsi que la reprise de la coopération économique. Notons que cet accord n’est pas tout à fait une surprise : l’Arabie saoudite et l’Iran ont commencé à échanger dès le mois d’avril 2021 avec la médiation de Bagdad et l’aide d’Oman.
 
Un engagement mesuré pour des bénéfices majeurs
 
À qui profite le rapprochement irano-saoudien ? D’abord à la Chine évidemment, pour qui l’arrivée inattendue au premier plan de la géopolitique du Moyen-Orient sonne comme un symbole de la désoccidentalisation du monde. Elle fait son entrée sur un territoire qui était jusqu’ici le pré-carré des occidentaux et, dans une certaine mesure, de la Russie. L’avantage, pour les bénéficiaires de l’accord, est que Pékin ne s’immisce pas dans les questions sociétales de ses prospects. La non-ingérence dans les affaires intérieures des États est l’une des clés du succès chinois.
 
En substance, l’accord ne prévoit rien de très concret, mais ouvre la voie au retour de l’Iran dans un espace oriental dont il était isolé. Cet isolement tient autant aux tensions régionales et politiques et différences religieuses qu’au contexte tendu des négociations sur le nucléaire. Sur la scène locale, l’accord a été bien accueilli par l’allié historique de l’Iran, le Hezbollah, dont le chef de file Hassan Nasrallah a applaudi la signature. L’accord porte aussi l’espoir d’une accalmie au Yémen et en Syrie. Mais la relation Iran/Arabie saoudite est encore un terrain en friche.  La vieille inimitié entre l’Iran chiite et l’Arabie saoudite sunnite ne se tarie pas si facilement.
 
Enfin, c’est à l’Arabie Saoudite que revient le plus grand bénéfice d’un rapprochement avec Téhéran. Selon Fatiha Dazi-Héni, spécialiste des monarchies de la péninsule Arabique et du golfe Persique à l’IRSEM (Institut d’Études Stratégiques de l’École militaire), l’accord correspond aux ambitions de Mohamed Ben Salmane (MBS), le Premier ministre du royaume et prince héritier. « C’est en effet sur la dynamique économique que le prince héritier mise pour engager les nouvelles orientations de sa diplomatie, écrit-elle pour le site OrientXXI. [MBS] souhaite la construire sur la base d’une meilleure intégration régionale, en investissant dans les infrastructures, la logistique, la sécurité alimentaire, la transition énergétique et tout ce qui touche aux biens communs et à la sécurité humaine. »
 
Les relations Arabie saoudite/États-Unis perdurent
 
La déstabilisation de l’influence américaine n’empêche pas la poursuite des relations bilatérales avec l’Arabie saoudite. Le royaume est le fer de lance de la diplomatie américaine en Orient, et ce, depuis le départ des Britanniques à la fin des années 60. Les hostilités de circonstances entre MBS et Biden sont à mettre en perspective avec le maintien de bases et ports militaires dans la région. Les pays du Golfe restent dépendants de l’armement de pointe américain et ont encore foi dans les garanties sécuritaires de Washington. Les liens économiques sont également très forts : on se rappelle qu’en 2017, les deux pays avaient signé une série d’accords d’une valeur de plus de 380 milliards de dollars. L’affaire du meurtre du journaliste d’origine saoudienne Jamal Khashoggi, en octobre 2018, a secoué sans mettre à bas ces relations.

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