La paysannerie n’a jamais constitué la catégorie sociale la plus hostile aux gouvernements successifs d’Emmanuel Macron depuis 2017. Plus conservateurs que populistes, les agriculteurs se savent imbriqués dans une ingénierie professionnelle dont les ressorts se situent avant tout à Bruxelles et dont la FNSEA, principal syndicat de la profession, avalise les principes qui favorisent avant tout les grandes exploitations.
L’UE joue contre les agriculteurs français
Mais cette situation est bousculée par une série de décisions dures à avaler : la pression écologique européenne (dont la multiplication des jachères), le libre-échangisme mondial avalisé par une série d’accords signés par l’UE (par exemple avec le Mercosur) et la volonté de Bercy de fiscaliser le GNR, c’est-à-dire le carburant nécessaire aux tracteurs et aux autres machines agricoles. L’entrée possible de l’Ukraine dans l’Union européenne inquiète également le monde agricole, notamment du fait de l’importation massive de volailles en provenance de ce pays depuis quelques mois.
Des mouvements similaires ont eu lieu depuis plusieurs semaines dans d’autres pays de l’Union européenne, en Allemagne, en Pologne, aux Pays-Bas ou en Roumanie. Si toutes les régions françaises ne sont pas encore mobilisées, on ne compte plus les barrages érigés ces derniers jours dans le sud de la France : en Haute-Garonne, en Ariège, dans les Pyrénées-Orientales ou encore dans la Drôme.
Le gouvernement inquiet
Gabriel Attal a vite compris le danger que pouvait représenter politiquement ce mouvement à six mois des élections européennes et à quelques semaines du Salon de l’Agriculture. Lui-même issu du monde agricole, le ministre Marc Fesneau joue l’apaisement. Gérald Darmanin a annoncé qu’il ne ferait pas évacuer par la force les barrages routiers. Ils n’ont néanmoins pas beaucoup de solutions à proposer au monde agricole français puisque les leviers dépendent des institutions européennes. Cela pourrait entrainer une poussée du vote en faveur du Rassemblement national de Jordan Bardella en juin prochain.
Contacté ce matin par OMERTA, juste après l’annonce du drame, un élu de la Coordination rurale, syndicat agricole souverainiste, fait le constat suivant : « C’est enfin en train de bouger dans le monde agricole français. La direction de la FNSEA qui a passé un accord avec le gouvernement sur la hausse du GNR est en voie d’être dépassée par sa base. Le mouvement prend de l’ampleur. »