Francophonie : Emmanuel Macron face au déclin de l’OIF

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« La francophonie, c’est la langue du panafricanisme », affirmait Emmanuel Macron en marge du 18e Sommet de Francophonie, qui réunissait ces 19 et 20 novembre à Djerba, en Tunisie, une trentaine de chefs d’États. Ce sommet est l’instance stratégique de l’Organisation Internationale de la francophonie (OIF), qui est supposée – entre autres – assurer la promotion de « la langue française et la diversité culturelle et linguistique ». Relativement peu commentée en France, la phrase président de la République n’a pas manqué de faire tiquer les panafricanistes, partisans d’une émancipation sociale, économique, culturelle et politique des africains. Un article publié dans The African Exponent et titré en anglais « Non, M. Macron ! Le français n’est pas la langue africaine universelle du panafricanisme », remet en cause le postulat présidentiel. L’auteur de cette lettre ouverte répond ainsi que le Swahili rassemble plus de 150 millions de locuteurs en Afrique, bien au-dessus des 120 millions d’africains francophones. Mais si la langue de Molière est la 3e langue la plus parlée sur le continent, une étude de l’Observatoire démographique et statistique de l’espace francophone avance que « près de 90% de la jeunesse francophone sera africaine à l’horizon 2050 ». 
 
Lors de la même prise de parole, Emmanuel Macron semble par ailleurs regretté la baisse de l’usage du Français. « Il faut être lucide, a-t-il expliqué, Dans les pays du Maghreb, on parle moins français qu’il y a vingt ou trente ans. C’est une réalité. La francophonie a un peu reculé. » Le président prend-il acte de la fin de l’influence française sur le continent Africain ? Où dévoile-t-il, à mi-mot, sa nouvelle politique africaine sous le prisme de la langue ? Le sujet crispe les principaux concernés, au moment où l’Afrique de l’Ouest et du Nord est gagnée par un fort sentiment anti-français. C’est une bataille diplomatique ambiguë que livre la France, entre universalisme républicain et respect des velléités émancipatrices des peuples. 
 
La coquille fendue de l’OIF  
 
Avec le 18e Sommet de la Francophonie, l’OIF se prête à une certaine démonstration de faiblesse. La liste des reniements est longue ; elle va d’une Europe incapable de se passer de l’anglais malgré le Brexit, à la francophobie assumée de quelques pays membres de l’OIF, comme le Mali et l’Algérie. On voit l’un multiplier les appels à détrôner le français au profit du Bambara, jusqu’à prévoir de l’inscrire dans sa constitution. On voit l’autre traquer la langue jusque dans les salles de classes, comme le révèle Le Figaro. Notons que la Banque d’Algérie a émis, début novembre, des billets de 2000 dinars en écritures anglaises et arabes. Un signal politique fort, vu l’éloignement constant qu’opèrent les autorités algériennes. 
 
Très relayé dans les médias, la passe d’arme au vitriol entre les représentants de la RDC et du Rwanda est aussi le symptôme de la désunion de l’OIF. Les combats entre les rebelles Hutu rwandais du M23, et les forces congolaises sont au cœur de tractations musclées entre les deux pays. Le débat est rapidement venu sur la table du Sommet, dont la secrétaire générale n’est autre que la Rwandaise Louise Mushikiwabo, accusée par la délégation congolaise d’avoir un parti pris. Ces derniers ont d’ailleurs boycotté la photo officielle de l’évènement. Une crise sécuritaire à laquelle le Sommet de la Francophonie peine à trouver une solution. Notons que le Rwanda, ancienne colonie belge, a déclassé la langue française, remplaçant son enseignement par celui de l’anglais dans les écoles. 
 
La chanteuse Yseult, marraine du prochain sommet de la Francophonie 
 
Emmanuel Macron compte s’appuyer sur la chanteuse Yseult, d’origine congolaise, pour « continuer à promouvoir notre si belle langue », selon ses mots, recueillis par Le Figaro. Un choix étonnant, remis en cause par de nombreux observateurs. On peine à se reconnaitre dans cette personnalité qui conchie à l’envie la France. En février 2021, celle qui a quitté la France pour la Belgique s’était autorisé un coup de gueule remarqué sur le plateau de l’émission Clique : « J’ai l’impression que nous, les personnes faisant partie des minorités, des personnes racisées, etc… On doit quelque chose à la France, mais qu’est-ce qu’on doit en fait ? », fulminait-elle. 
 
Mais où va la Francophonie ? 
 
Mais où va la Francophonie ? Elle semble aujourd’hui conjuguer un immobilisme technocratique, celui que l’on peut aussi trouver au sein de l’ONU et une absence d’ambition politique. Tout le contraire, en somme, du Commonwealth britannique qui est bien un instrument de puissance au service de l’ancienne puissance coloniale anglaise. Emmanuel Macron s’est livré à une prise de parole de façade, tristement déconnectée de la réalité de la francophonie. C’est, encore, un renoncement à défendre les intérêts d’une puissance souveraine. 

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