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Régis Le Sommier sur le Kosovo : « la tension est à son comble ! »

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Pourquoi avez-vous décidé de partir au Kosovo ? 

J’ai décidé de me rendre au Kosovo car on y signalait un regain de violence comme il n’en avait pas été observé depuis longtemps. Les Serbes étant les alliés traditionnels des Russes et les Kosovars -depuis la fin de la guerre et la déclaration d’indépendance en 2008- étant eux alignés sur les positions américaines, je voulais me rendre compte s’il existe en Europe un potentiel pour l’ouverture d’un second front dans la nouvelle Guerre Froide à laquelle nous assistons. 

 

Quelles y sont les relations entre les Serbes et les Albanais ? 

Elles sont très mauvaises, mais le pire c’est au niveau de la jeunesse. Les anciens se sont combattus. Depuis vingt ans et malgré des pressions sur la minorité serbe, les choses sont restées en l’état et les communautés ont appris à cohabiter. Je dirai que ceux qui ont vécu la guerre, subi des pertes dans leur famille ou des disparus, savent tout le prix qu’il y a à payer si les choses dégénèrent. Chez les jeunes, on pourrait imaginer qu’il existe un autre état d’esprit, avec une volonté de passer à autre chose, d’envisager l’avenir sans violence ethnique. Or il n’en est rien. Comme presque partout dans le monde, ils font preuve d’un désintérêt pour le passé et, de surcroît, ils ont été élevés dans la haine de l’autre communauté. Ils ne voient en elle que l’expression du mal, sans visage humain. Si la guerre recommence au Kosovo, ils prendront les armes et répondront présents comme un seul homme. 

 
Le conflit est-il ethnique ou religieux ? 

 C’est un conflit, comme souvent, où la religion est prétexte à l’identité. La pratique est forte des deux côtés mais ce n’est pas de points de désaccord théologiques dont on discute. La matrice du conflit n’est pas non
plus de nature djihadiste. Il ne s’agit pas de soumettre les Serbes ou de les expulser parce qu’ils ne sont pas musulmans. Ce sont davantage les fractures du passé qui comptent et c’est le nationalisme, de part et d’autre, qui les reprend à son compte. 

 
Le Kosovo est aussi un point de crispation géopolitique des Balkans. Peut-on le résumer par une division entre les pro-Serbie russophiles et les pro-Albanais américanophiles ? 

 C’est cela dans les grandes lignes. À mesurer cependant parce qu’il existe d’autres groupes ethniques comme les Goranes qui sont serbes et vivent dans le Sud du Kosovo. Il y a aussi des Bosniaques et même des Croates qui sont venus s’installer au Kosovo à la suite des guerres des années 90. 

La situation est-elle viable sur le long-terme ? Une crise peut-elle éclater ? 

Une crise peut tout à fait éclater. Les tensions sont à leur comble. Nous l’avons constaté dans les enclaves serbes du Sud où une simple histoire de trafic de vin vire à l’émeute et chez les Albanais de Mitrovica, où
le déploiement de policiers kosovars dans la zone serbe a provoqué des échauffourées et où les jeunes Albanais mettent la cagoule, prêts à en découdre… 

 

Le destin du Kosovo est-il d’appartenir un jour à la Serbie ou à l’Albanie selon vous ? 

Le destin du Kosovo se règlera avec une solution pour le Nord du pays où les Serbes sont majoritaires et qui pourrait être rattaché à la Serbie. Un échange territorial avec la vallée de Precevo située en Serbie mais
peuplée d’une majorité d’Albanais est régulièrement évoqué afin de régler le conflit. Il reste le sort des monastères serbes qui sont au cœur de l’identité du pays et se trouvent presque tous éparpillés en territoire kosovar, en tout cas pour les plus sacrés. La communauté internationale devra garantir leur
accès aux pèlerins serbes et la sécurité des moines. L’Europe pourrait jouer très bien un rôle aussi. 

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