Bayrou devant l’Assemblée ou le fantôme de Marc Sangnier

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Qui se souvient de Marc Sangnier ? Député de 1919 à 1924 puis de 1945 à 1950, le fondateur du Sillon puis de la Jeune République est le père incontesté de la démocratie chrétienne en France, ce courant illustré ensuite par Robert Schuman et Jean Lecanuet. Pour autant, le nom de cette forte personnalité qui croisa le fer intellectuel en son temps avec le monarchiste Charles Maurras est complètement inconnu du grand public aujourd’hui, même si l’on peut toujours déjeuner en son hôtel particulier du boulevard Raspail, devenu un restaurant sobrement nommé « La Démocratie ». François Bayrou l’a pourtant évoqué durant son intervention d’une heure et demie prononcée devant les députés ce 14 janvier en guise de discours de politique générale. Une intervention un peu poussive parfois, mais l’on sait depuis longtemps que Bayrou n’est pas un grand orateur. Ce discours aura donc avant tout démontré qu’il entend gouverner en restant fidèle à cette tradition politique minoritaire en France qu’est la démocratie chrétienne. D’ailleurs, depuis Pierre Pfimlin en 1958, aucun membre de cette famille politique n’avait occupé le poste de chef de gouvernement.

Trois axes pour le travail gouvernemental

Voici donc François Bayrou proposant une triple réflexion aux parlementaires, son discours étant simultanément lu au Sénat par Élisabeth Borne. En guise d’introduction, le patron du MoDem a sorti la sulfateuse sur l’endettement, en rendant collectivement coupable tous les chefs d’État et les familles politiques ayant gouverné d’après Valéry Giscard d’Estaing, pointant notamment François Mitterrand, Lionel Jospin, Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron.

Premier axe de travail pour le nouveau Premier ministre : réformer le système de retraites et faire voter le budget de l’État. Selon lui, « la réforme des retraites est vitale pour le pays ». Afin de mettre tout le monde d’accord, il propose de demander un rapport de la Cour des Comptes sur le sujet puis d’organiser un « conclave » de trois mois entre les partenaires sociaux et les partis politiques volontaires afin d’aboutir à un éventuel consensus. Concernant les budget, il estime la croissance 2025 à 0,9 % seulement et un déficit public porté à 5,4 % du PIB. Il veut créer un fonds spécial sur le réforme de l’État abondé par des cessions de biens immobiliers de l’État.

Tel Henri IV, réconcilier les Français

Parallèlement, François Bayrou veut réconcilier les Français entre eux, comme Henri IV en son temps et comme le souhaitait également Marc Sangnier dans la première moitié du XXe siècle, le roi de France ayant eu plus de succès en la matière que l’avocat démocrate-chrétien. Pour mieux organiser la vie politique, il propose la création d’une « banque de la démocratie » permettant de faire échapper la vie politique française au diktat de l’argent. Il souhaite également lancer une réflexion sur le scrutin proportionnel.

Enfin, François Bayrou entend se lancer dans un troisième chantier, visant à refonder l’action publique en métropole mais également en Corse et dans les Outremers. Il souhaite reprendre l’étude des « cahiers de doléances » collectés dans les mairies au moment de la révolte des gilets jaunes. Il entend également s’attaquer au vaste chantier de l’immigration qu’il estime, entre les lignes, être devenue ingérable du fait du nombre d’arrivants et du faible taux d’exécution (7 %) des OQTF, taux qu’il met sur le dos des pays d’origines qui ne seraient pas disposés à reprendre leurs nationaux entrés illégalement en France. Il a ensuite rappelé son souci de l’Éducation nationale, dont il a été ministre de 1993 à 1997. Abordant enfin la crise agricole après une heure et quart de discours, il a semblé prendre en compte les propositions de la Coordination rurale. Concernant la décentralisation, il a eu le bon goût de citer le remarquable Paris et le désert français publié par le géographe Jean-François Gravier en 1947.

Malgré de sévères critique portées par les députés Éric Ciotti (UDR) et Jean-Philippe Tanguy (RN), l’opposition nationale ne compte pas pour l’instant voter la motion de censure qui va être déposée par Jean-Luc Mélenchon, afin de ne pas être accusés à nouveau de déstabiliser outre-mesure les institutions. Mais ils ont rappelé, chacun dans leur registre, les lignes rouges à ne pas franchir.

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