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Charles Huet : « Le Made in France est notre seul moyen à tous d’agir concrètement pour la France »

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Qu’est-ce que le Made in France ?  
Le Made in France, c’est d’abord une mention douanière régie par le Code des Douanes de l’Union Européenne. C’est un ensemble de règles précises, mais facultatives d’apposition sur les produits non alimentaires.  
Il faut d’abord que le produit soit fabriqué en France, et que plus de la moitié de sa valeur ajoutée soit d’origine française. Le Made in France s’analyse sous le prisme du produit, pas de la nationalité de l’entreprise ou de son capital. Par exemple, la Toyota Yaris est un produit Made in France.  
 
Il en est donc de même pour McDonald’s, enseigne américaine ? 
McDonald’s est le plus grand client privé de l’agriculture française. 100% de leurs patates, salades, poulets, et la moitié de leur bœuf sont d’origine française. Il faut donc se méfier de la nationalité apparente : une grande partie des marques françaises ne fait pas de Made in France, là où des marques et entreprises étrangères le font. Par exemple, 90% des M&Ms du groupe américain Mars, vendus en Europe, sont fabriqués en Alsace. D’ailleurs, nous les vendons [Sourire]. La voiture Made in France la plus vendue est de marque japonaise, alors que la Clio 5 de Renault est produite en Turquie.  
On regarde le produit avant tout, et c’est l’étape de production qui nous intéresse, et que l’assemblage final soit fait en France.  
 
Vous êtes un grand défenseur du Made in France. Pourquoi est-ce si important ?  
Le Made in France est notre seul moyen quotidien à tous pour agir concrètement sur nos emplois, la survie de nos territoires, provinces et cantons, la stabilité sociale et la réduction de notre empreinte carbone. Nous votons tous les jours avec notre carte bleue. Entre deux élections présidentielles, on fait 150 pleins au supermarché. Ça fait 150 occasions de choisir à quoi on affecte notre plan de relance personnel.  
Pourquoi aller chercher plus loin ? C’est une question de bon sens. On a toujours fait ça jusque dans les années 80, quand le low-cost et les bas prix des produits délocalisés ont largement contribué à désindustrialiser le pays. En cela, ils étaient aidés par l’Etat qui mettait aux pieds de l’industrie les boulets les plus lourds du monde, qu’ils soient fiscaux ou réglementaires.  
Le Made in France me permet aussi de lutter concrètement contre le chômage. Il génère trois fois plus d’emplois directs qu’un produit importé. Chaque emploi industriel génère trois à cinq emplois connexes dans son bassin d’emploi, dans le moindre canton du pays. Ça fait une différence avec les emplois tertiaires qui sont centralisés dans douze ou quinze métropoles françaises dynamiques, où il est vrai qu’il suffit de traverser la rue pour trouver un boulot. Ça n’est pas vrai à la Chapelle Saint-Mesmin où sont fabriqués les verres Duralex. Si l’usine ferme, vous avez plusieurs dizaines de kilomètres carrés qui dépérissent parce que tout tourne autour de l’usine locale. C’est dix fois plus d’emplois générés, dix fois moins de carbone généré.  
Sur le volet écologique, tout le monde pense à la proximité. Mais il y a également le mix énergétique qui joue énormément ! À l’étape de production, on consomme beaucoup d’énergie, la France a la chance d’avoir le mix électrique nucléaire-hydraulique le moins carboné du monde. Un Basque a plus d’intérêt à acheter alsacien qu’espagnol parce que le mix électrique espagnol est trois fois plus polluant que le mix français. Il en est de même pour un Alsacien, alors que le mix énergétique allemand est huit fois plus polluant que le français.  
C’est la seule manière de contribuer au financement de nos services publics, de l’assurance sociale, là où les produits français contribuent largement. C’est un sujet de souveraineté, de capacité à faire par nous-mêmes quand une crise survient. Dans ces moments, il n’est plus temps de constater notre nudité, il faut travailler toute l’année dans nos achats quotidiens et fabriquer des masques avec les usines textiles, du gel hydroalcoolique avec des usines cosmétiques, des respirateurs avec des sous-traitants automobile, et si possible des vaccins.  
 
Aujourd’hui, est-il possible de vivre totalement de Made in France ?  
Depuis dix ans, c’est mon cas à 95%. Je ne gagne pas plus que le revenu médian français, 50% des Français gagnent plus que moi. Pourtant, pendant ces dix ans, je suis arrivé à consommer Made in France à 95%. Ordinateurs, téléphones et frigos sont les principaux écueils.  
Il y a plein de manières de résoudre l’équation budgétaire. D’abord, il ne faut pas culpabiliser, pas contraindre, pas taxer. La mère de famille célibataire smicarde qui doit habiller ses enfants à la rentrée, je suis content pour elle qu’existe le low-cost. Le Made in France n’est pas nécessairement accessible à tous, mais c’est surtout une question de tempo. Rome ne s’est pas faite en un jour, et personne ne demande de passer du jour au lendemain de 5 à 95% de Made in France. Il est question de faire évoluer sa consommation petit à petit, de consommer moins, et d’avoir un budget équilibré.  
Dans la cosmétique et l’alimentaire, le Made in France n’est pas toujours plus cher ! L’usine Dop à Rambouillet emploie 180 personnes pour le shampoing le moins cher du marché. Dans la mode ou l’ameublement, il est vrai que c’est tendanciellement un peu plus cher à cause de notre fiscalité, la plus lourde du monde. On équilibre avec de la seconde main, on consomme moins, et on exploite la meilleure qualité qui est plus durable. Opinel ou Duralex, ce sont des marques qui se transmettent de génération en génération, contre l’obsolescence programmée et la fast-fashion. Vous remettez de l’humain dans votre consommation, vous voyez des visages et des paysages familiers, que vous aimez.  
 
Alors, comment consommer Made in France ?  
Il y a quatre étapes. Il faut le vouloir, le savoir, le trouver, et le pouvoir.  
D’abord, le vouloir. La majorité des Français déclarent qu’ils le veulent, comme ils disent que la guerre c’est nul et que la pluie, ça mouille. On a un énorme décalage entre la volonté et l’achat effectif de Made in France. Qu’ils ne l’achètent pas, je l’accepte : le budget fait loi.  
Ce qui m’agace, c’est que nous pouvons tous faire un acte gratuit que personne ne fait : être incollable sur le lieu de production de tous nos produits. Si je vous demande si vous savez où sont produits vos chaussures, votre pantalon, votre ceinture, votre chemise, sauriez-vous me répondre ? Si vous ne le savez pas, c’est que vous ne vous êtes jamais posé la question. Si vous ne vous êtes jamais posé la question, c’est que vous n’achèterez jamais de Made in France.  
Et cela ne coûte que de l’implication, un sentiment de co-responsabilité avec nos compatriotes, notre pays. Ça ne coûte pas un centime, et tout le monde peut le faire aisément en boutique, au restaurant, ou en supermarché. Quand on veut se trouver une excuse de ne pas acheter Made in France, on dit que c’est trop cher, c’est aussi simple que ça.  

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