De l’utilité des soldats nord-coréens à Koursk 

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Lors de nos séjours sur le front de Soudja en novembre et décembre dernier, nous avions évidemment cherché à savoir si des soldats nord-coréens se trouvaient sur place.

Dans l’unité avec laquelle nous nous trouvions, il y en avait un. « Il est chargé de repérer les routes praticables pour les véhicules près des lignes de front et de déterminer quelles unités nous font face », m’avait dit l’officier qui commandait l’unité de dronistes « Normandie-Niemen ». Un travail très éloigné de celui d’un modeste trouffion donc. Seulement, ce Nord-Coréen que j’ai eu plusieurs fois l’occasion de croiser sans pouvoir néanmoins lui parler possédait la nationalité russe. Il provenait d’une diaspora nord-coréenne installée en Russie il y a fort longtemps déjà et était considéré par ses camarades comme un soldat russe à part entière.

À cette époque, la nouvelle de l’arrivée des soldats de Kim Jong-un sur le front de Koursk avait fait sensation. On parlait de 10 000 soldats engagés. J’avais mes doutes. Ayant déjà connu des situations dans lesquelles une unité russe avait peiné à repérer qui était exactement l’unité qui lui était voisine, je me disais que cela serait parfaitement contre-productif d’engager au sein d’un dispositif russe déjà rôdé une troupe de soldats ne possédant pas la même culture militaire, la même langue et certainement pas la même expérience…

Certains observateurs prétendaient le contraire. La présence des Nord-Coréens sur le front était d’ailleurs un argument utilisé pour justifier l’autorisation par Joe Biden de l’usage par les Ukrainiens de missiles à longue portée contre le territoire russe. On qualifiait cela d’internationalisation du conflit. Un an plus tôt, j’avais pu constater que les obus nord-coréens étaient largement utilisés par l’armée russe dans le Donbass. Un accord militaire avait été signé en 2023 entre Vladimir Poutine et Kim Jong-un. Il y avait certainement des soldats de la DKR présents sur les fronts, notamment pour manœuvrer aussi les missiles donnés par Kim Jong-un, et probablement des forces spéciales désireuses de se former à la « vraie » guerre, la Corée du Nord n’ayant pas combattu depuis les années 50. Pour moi, cet engagement n’allait pas au-delà et je le maintiens.

Aujourd’hui, maintenant que Russes et Nord-Coréens ont reconnu cette participation, après que l’Ukraine s’est repliée des territoires russes qu’elle avait conquis dans l’oblast de Koursk, on se rend compte de toute la dimension symbolique de cet engagement. Quiconque, en effet, s’aventurerait aujourd’hui à vouloir s’attaquer à la Corée du Nord verrait immédiatement la Russie se dresser sur sa route. Le bras de fer avec Kim Jong-un, pratiqué depuis des décennies par l’Occident, ne pourra plus jamais être le même. Le Japon est toujours menacé. Mais, maintenant, conjurer cette menace ne passe plus seulement par Washington, il passe surtout par Moscou. On peut aussi constater qu’après cette première expérience, la coopération est amenée à durer avec d’autres soldats qui, cette fois, se formeront. À ce moment seulement, les Nord-Coréens pourront servir de fantassins et s’intégrer progressivement dans le dispositif des Russes. Ainsi, si la guerre est amenée à durer, cette manne permettra encore aux Russes de trouver de nouvelles troupes pour mener le conflit. Kiev, dans le même temps, souffrira toujours de l’impossibilité de fabriquer des réserves…

Voir aussi : Koursk, en immersion exclusive au cœur de la contre-offensive russe

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