AccueilGéopolitiqueFrance et Afrique, ce désamour dont profitent les Russes

France et Afrique, ce désamour dont profitent les Russes

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Le continent affirme ses souverainetés et la France, que ça soit justifié ou non, est désignée comme bouc émissaire d’une flopée de problème sur lesquels elle n’a parfois que peu de prise. Sur le fond, certains pays ne veulent plus qu’on leur dise ce qu’ils doivent faire et l’exprime ouvertement. 
Les Russes ne s’y sont pas trompés qui nous ressortent les vieilles breloques de Brejnev l’africain et son URSS du côté des opprimés ferraillant contre les puissances coloniales. 
Les Turcs sont dans le même état d’esprit, même s’ils préfèrent la discrétion des contrats d’affaire à une action diplomatique et militaire visible comme celle des Russes. Cela fait un moment déjà que la Russie taille sans vergogne des croupières dans l’étoffe de la Françafrique. Lavrov, le ministre des Affaires étrangères russes, ne s’est pas privé de s’en vanter après le vote de mars 2022 à l’ONU qui a manifesté la neutralité de l’Afrique dans le conflit ukrainien. Pareil hier pour Maria Zakharova, la porte-parole du ministère des affaires étrangères russes lorsqu’elle dit que l’Afrique n’a pas besoin de médiation et que personne n’a donné à Macron le droit de parler au nom de l’Afrique. 

La guerre en Ukraine n’a pas déclenché le divorce de la France qu’avec certaines de ses anciennes colonies. Le coup d’État au Mali remonte à août 2020. Elle l’a exacerbée, dans une perspective de reformation des équilibres mondiaux. Les Africains n’ont que peu suivi le camp occidental dans sa condamnation de l’intervention. Ils ne sont pas les seuls d’ailleurs puisque l’Inde, la Chine et le Brésil, entre autres, ont également refusé dresser des sanctions contre la Russie. Les Africains ont d’autres urgences. La crise alimentaire est la principale. Le président sénégalais, Macky Sall, s’est rendu en juillet à Moscou pour alerter Poutine sur le problème. Depuis, un accord a été conclu avec les Ukrainiens pour que le blé puisse transiter en Mer Noire. On notera toutefois que l’Afrique est loin d’être la destination prioritaire du blé qui sort d’Ukraine…  

Tout ceci est cependant ponctuel, mais a pour conséquence d’empêcher l’isolement économique de la Russie et de renforcer sa présence sur le continent africain. Vingt accords de défense ont été signés entre la Russie et l’Afrique depuis 2017, dont le Cameroun en mai dernier. Le Togo et le Gabon lorgnent du côté britannique puisqu’ils ont rejoint le Commonwealth le 25 juin. Nous payons notre habitude de nous occuper de tout en expliquant que nous n’avons plus les moyens et nos erreurs passées : la guerre en Libye en 2011 (on se demande encore ce que nous sommes allés y faire), la réforme des lycées français, le discours de Dakar de Sarkozy ou le départ de l’opération Sangaris en RCA qui a ouvert les portes du pays à la milice Wagner.  

L’opération Barkhane a connu des succès incontestables et permis l’élimination de tous les chefs djihadistes au Sahel, mais ça ne suffit pas, car la confiance en la France s’est dégradée au Mali où, en soutenant trop longtemps sur le président Ibrahim Boubacar Keita, alias IBK, nous avons misé sur le mauvais cheval, en tout cas le plus corrompu. D’où les coups d’État. Le tout s’est opéré dans un délitement complet du pays qui s’est fait sous nos yeux et dont, comble d’absurdité, les Maliens nous accusent aujourd’hui d’être responsables.  

Il y a urgence à réagir, car, en plus des Russes et des Turcs qui investissent, on trouve les Chinois, les Américains, les Israéliens, et même nos amis espagnols et allemands. L’Union européenne également manifeste son ambition politique en finançant, grâce à l’argent communautaire, de très nombreux programmes. Le vent a tourné comme disent les marins. Une nouvelle politique africaine s’impose à nous et rapidement. La page ouverte dans les années 60 se referme. Il nous reste la francophonie, toujours solide, ainsi qu’une opinion où, quoiqu’on en dise, l’hostilité à la France reste souvent l’apanage d’élites qui manipulent. En effet, ni le malien, ni le burkinabé, encore moins le sénégalais ou le tchadien ne déteste la France. Le lien fraternel existe toujours, maintenu vivace par les diasporas. Si la France sait leur parler, avec un peu moins d’arrogance, elle saura rétablir la confiance. Sinon, d’autres le feront à notre place…

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