Entre 15 000 et 25 000 obus sont tirés chaque jour dans l’est de l’Ukraine, mais Kiev n’est l’auteur que d’un tiers seulement de ces tirs. Le rapport de feu penche incomparablement en faveur de Moscou. Pourtant, ce 21 février, la courbe du front qui s’étend du nord au sud sur les oblasts de Kharkiv, Louhansk, Donetsk, Zaporijia et Kherson forme encore ce quart de lune caractéristique qu’on observe depuis octobre 2022. La guerre n’a pas perdu en intensité, mais le plus petit mètre carré coûte cher, avec prises de terrain limitées. Sans qu’on puisse se fier aux pertes annoncées par les deux camps, les informations du terrain témoignent du caractère meurtrier de cette phase de la guerre.
Le lent grignotage russe
Aux environs de Koupiansk (oblast de Kharkiv), les Russes ont pris Dvorichne et Hryanikivka. Plus au sud, non-loin de la ville de Kreminna (oblast de Louhansk), déjà contrôlée par les Russes, les Ukrainiens se retranchent dans Lyman et Chervonopopivka, deux localités soumises à un intense bombardement adverse. À soixante kilomètres de là, Bakhmout, le « hachoir à viande », est coiffée par les Russes, qui bombardent tous les villages alentours où s’accrochent les forces ukrainiennes. C’est l’un des points les plus chauds de la ligne du front. Les Ukrainiens y ont engagé quelques contre-offensives à succès ces derniers jours, afin de dégager les voies d’accès à la ville et ne pas offrir une victoire symbolique au président Poutine pour l’anniversaire de l’invasion. En cas de prise de Bakhmout, l’armée russe et ses supplétifs auraient accès à une large zone difficilement défendable par les Ukrainiens.
Dans le secteur de Donetsk, le front s’est très légèrement déplacé à l’ouest de la ville, en faveur des Russes. Ce grignotage met en jeu les localités de Avdivka, Krasnohorivka, et de Marink. Plus loin, la situation est explosive à Vouhledar, au sud-ouest de Donetsk, où la tentative de percée des Russes patine depuis plusieurs jours, aux prix de nombreuses pertes. La ligne des combats se poursuit vers l’ouest jusqu’au Dniepr, au sud-est de la ville de Zaporijia, et suit le cours du fleuve jusqu’à la mer Noire. Notons que la ville de Kherson abandonnée aux forces ukrainiennes mi-novembre, est régulièrement bombardée depuis.
Une guerre d’usure ?
La dénomination de « guerre d’usure » a souvent été employée depuis la stabilisation du front à l’est. Si le terme est pertinent, il est difficile de déterminer à qui profite le plus le temps. Vladimir Poutine affiche clairement sa confiance dans le temps long, l’immensité de la Russie permettant d’avoir confiance en sa profondeur stratégique, en ressources et en hommes.
Jouer la montre, c’est aussi miser sur le désintérêt progressif de la communauté internationale, voire sur la détermination de nouveaux alliés à s’émanciper de la médiation occidentale. La position de la Chine, qui propose un plan de paix à Poutine, est en cela à suivre de près. Pour les Ukrainiens, le temps n’est un ami que s’il pousse progressivement l’OTAN à s’engager plus avant dans son soutien militaire et diplomatique. À l’heure actuelle, Kiev semble réserver ses forces vives et ses meilleures troupes pour résister à l’offensive russe à venir, mais multiplie ses appels à l’aide, pour obtenir des munitions et des armes lourdes.