« La naturalisation des Juifs en 1791 ouvre toutes les portes à l’immigration, parce que si vous donnez la nationalité françaises aux Juifs, tôt tard, vous ne pouvez pas la refuser aux bouddhistes, vous pouvez pas la refuser aux musulmans… » L’essayiste et polémiste Pierre Hillard, qui s’exprimait lors de l’université d’été de Civitas le 30 juillet dernier, considère ainsi que la catholicité devrait être une condition nécessaire à l’octroi de la nationalité française.
Des propos qui en ont fait bondir plus d’un. Filmée, son intervention lors d’une conférence de cette association catholique intégriste sur le thème de l’« inanité du naturalisme » a été reprise par différents comptes Twitter, pour en dénoncer le caractère antisémite.
Plusieurs associations tel l’UEJF et la LICRA ont ainsi saisi le procureur de la République pour déposer plainte pour haine raciale. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin a par ailleurs annoncé instruire une procédure de dissolution Civitas, bien que Pierre Hillard n’en soit pas membre. Plusieurs personnalités de gauche et du mouvement Renaissance ont salué l’initiative de monsieur Darmanin, comme Jean-Luc Mélenchon ou le député LFI Mathilde Panot.
Fondée en 1999 par plusieurs personnalités issues des milieux conservateurs de droite, Civitas est d’abord une association loi 1905, proche des milieux catholiques traditionalistes, à l’exemple de la fraternité Saint Pie X. Elle milite pour « la rechristianisation de la France et l’Europe », s’oppose ouvertement au concile Vatican II et a pris position dans le débat public sur plusieurs questions d’éthique et débats sociétaux, comme le mariage pour tous ou l’avortement.
Civitas, du combat religieux au combat politique
En 2012, c’est le militant belge nationaliste Alain Escada qui prend la tête du mouvement. L’organisation prend un nouvel essor et se laïcise. De nombreux prêtres quittent le mouvement pour laisser place à une nouvelle génération de militants, cette fois-ci laïques. En 2013, l’organisation prend part au mouvement contre la loi Taubira, mais sans intégrer le mouvement « Manif pour tous ». Elle organise ses propres cortèges, estimant que l’organisation de Frigide Barjot est trop modérée.
En 2016, dans la suite logique de son évolution initiée par Alain Escada, Civitas change de statut et devient un parti politique. Elle ne se contente plus de militer pour les combats traditionnels de l’Église catholique et s’introduit dans le débat public en prenant position sur des questions politiques comme l’immigration et le souverainisme. Ces changements font fuir une partie de ces militants les plus modérés. En 2021, Civitas soutient le candidat Éric Zemmour à l’élection présidentielle. Elle participe également aux manifestations à Saint-Brévin contre le projet de déplacement d’un Centre d’Accueil pour Migrants (CADA) à proximité d’une école. Assumant une ligne identitaire, catholique, anti-mondialiste et nationaliste, Civitas est désormais considéré comme une organisation politique d’extrême-droite. Pierre Hillard, essayiste polémiste, mais également docteur en sciences politiques et spécialiste du « mondialisme », est régulièrement invité par l’organisation dans le cadre de conférences ou de signatures.
Dissolutions : la main leste de Darmanin
Conformément à la loi de 1905 sur les associations et partis politiques, un organisation peut être dissoute administrativement par décret ministériel en cas de « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ou propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encouragent cette discrimination, cette haine ou cette violence ».
C’est dans ce cadre que le ministre de l’Intérieur a pu demander la dissolution de Civitas. L’association pourra faire appel de cette décision devant le Conseil d’État, mais une telle procédure prend en moyenne deux ans et très peu de recours aboutissent à une annulation du décret. Depuis 2017, plusieurs associations ont subi les foudres de Gérald Darmanin, usant abondamment de la loi contre les discriminations pour interdire des manifestations ou casser des associations.
Ce fut le cas du mouvement Génération Identitaire, dissous en mars 2021, après son coup d’éclat médiatique au col de l’Échelle. Les militants avaient symboliquement fermé la frontière franco-italienne pour dénoncer le « laxisme » des autorités vis à vis de l’immigration clandestine en provenance de l’Italie. D’autres mouvements considérés d’extrême droite, comme l’Alvarium à Angers ou le Bastion Social à Lyon et Strasbourg ont connu le même sort, respectivement en 2019 et en 2021.
Ajoutons que cette stratégie de censure s’est appliquée à d’autres nébuleuses politiques, comme le mouvement écologique, avec la dissolution en cours des Soulèvements de la Terre, ou la mouvance islamiste avec la dissolution de l’ONG « Baraka City ».
Faut-il y voir une méthode de gestion de la gronde sociale qui accompagne de plus en plus fréquemment les réformes poussées par le gouvernement ?