On parle beaucoup d’incendies, c’est normal, nous sommes en été. Mais celui-ci est d’un genre un peu particulier.
Le cargo brûle depuis une semaine, au large des côtes néerlandaises. Anodin, un navire qui brûle ? Pas quand il s’agit de ce qu’on appelle un « feu perpétuel », presque impossible à éteindre, à cause de la présence d’une batterie au lithium-ion. Le navire s’appelle le Fremantle Highway. C’est l’un de ces monstres des mers avec une coque de plusieurs dizaines de mètres de hauteur, qui renferme des véhicules tout neufs que l’on imagine empilés les uns sur les autres. Selon la compagnie de transport K Line qui affrétait le navire, le Fremantle Highway transporterait 3 783 voitures neuves, dont 498 véhicules électriques.
Depuis, ces chiffres ont été remis en question, en particulier le nombre de voitures électriques présentes à bord. Elles ne seraient que 90. Peu importe. Le bateau de 18 500 tonnes brûle, et c’est ce qui compte. Il est parti du port allemand de Bremerhaven pour rejoindre Port-Saïd, en Égypte, avant de reprendre sa route pour Singapour, sa destination finale.
Ce qui s’est passé ? « Un auto-emballement thermique qui nécessite de noyer cette batterie pour calmer l’intensité du feu », explique au Parisien Nicolas Tamic, directeur adjoint du Centre de Documentation, de Recherche et d’Expérimentations sur les Pollutions Accidentelles des Eaux (CEDRE).
« Pour les batteries lithium, il n’y a pas de moyen d’extinction »
Le problème n’est pas tant l’incendie, mais bien que sur un tel navire, mener une telle opération pourrait faire couler l’embarcation et provoquer aussitôt d’importants dégâts environnementaux. Et il révèle un problème crucial, mais connu, commun aux voitures électriques : «
pour les batteries lithium, il n’y a pas de moyen d’extinction, ça n’existe pas », explique encore Nicolas Tamic. Et ça, c’est le vrai problème. Les pompiers le savent bien, un feu de pile au lithium ne s’éteint pas. Il ne s’arrête que lorsque la voiture est entièrement brûlée. Il y aurait bien des moyens pour circonscrire un tel feu, mais le caractère exigu du stockage de véhicules et la présence du cargo en pleine mer ne permettent pas d’y parvenir. Les agents d’extinction préconisés sont les poudres pour feux de métaux (classe D) ou, à défaut, du sable sec. En raison de la toxicité des fumées émises lors de la combustion du lithium, les personnes chargées de la lutte contre l’incendie seront équipées d’appareils de protection respiratoire autonomes isolants.
Le navire se trouve actuellement dans la mer des Wadden, à 16 km au nord des îles de Schiermonnikoog et d’Ameland où il est tracté par des remorqueurs depuis le 30 juillet. Ceux-ci sont déjà parvenus à le déplacer hors des voies de trafic maritime. La mer du Nord et la Manche sont en effet de véritables autoroutes des mers et on risquait une collision. Depuis le déclenchement de l’incendie, il a accompli un voyage de 66 km « qui s’est déroulé sans aucun problème » en voguant à une vitesse lente et contrôlée de 3 nœuds environ, l’équivalent de 5,5 km/h.
Catastrophe écologique en vue
Un courant favorable a notamment permis de naviguer plus vite que prévu sur la deuxième partie du trajet. L’opération est délicate, car il faut à tout prix le maintenir à flot, sans quoi on risque une catastrophe naturelle.
Cependant, l’affaire est loin d’être terminée. L’incendie fait toujours rage et il faut désormais lui trouver un port avec des installations adaptées pour traiter cet incendie. La mission de remorquage a été confiée aux entreprises néerlandaises Multraship et Smit Salvage, toutes deux spécialisées dans l’urgence maritime, l’aide et le sauvetage en mer. Une société allemande originaire de Hambourg, le Fairplay Towage Group, a également mobilisé
un remorqueur de haute mer de 39 m. Au total, ce sont deux remorqueurs qui ont tracté le cargo, tandis qu’un bateau capable de nettoyer d’éventuels déversements d’hydrocarbures en mer est resté à proximité. L’un des remorqueurs est également muni d’une lance à incendie, laquelle a permis de projeter de l’eau de refroidissement sur le brasier. Les opérations destinées à éteindre l’incendie ont été suspendues ce 3 aout afin d’éviter que le navire ne soit déstabilisé par la quantité d’eau entrant.
Si son intensité s’est réduite, le feu fait toujours planer une menace sur la flottabilité du navire. La coque est fragilisée et le compte à rebours a commencé. Un naufrage dégraderait profondément l’écosystème où se trouve actuellement le cargo. En effet, l’incendie ne s’est pas, mais alors pas du tout déclaré au bon endroit (encore faut-il qu’il y ait un bon endroit), car la mer de Wadden a été classée patrimoine mondial de l’Unesco avec une diversité de plus de 10 000 espèces aquatiques et terrestres…
Au moins sept navires auraient sombré ces dernières années avec de grandes quantités de batteries lithium-ion très polluantes. Des accus promus au nom de l’écologie, bien sûr.