Lourde tendance
Le phénomène ne date pas d’hier, puisque les démographes qualifient les cinquante dernières années « d’hiver démographique » en Occident, lorsque le taux de fécondité s’établit durablement en dessous du seuil de renouvellement. Le phénomène semble trouver sa cause depuis les années 1970 dans les crises économiques, l‘émancipation des femmes au foyer par la scolarisation ou encore « un énorme investissement sentimental et financier chez l’enfant », comme explique l’historien Philippe Ariès en 1980 dans la Population Development Review. On voit également émerger les opinions écologistes favorable à une décroissance démographique, bien que toujours marginales.
Quoi qu’il en soit, les populations n’ont plus suffisamment confiance en l’avenir pour s’autoriser à élever suffisamment d’enfants, et si la population française continue d’augmenter, c’est en partie grâce au solde migratoire. Il mesure le rapport des entrants et des sortants, et en 2022 celui-ci est presque trois fois plus élevé que le solde naturel, le rapport des morts et des naissances. Il a longtemps eu pour effet de freiner le vieillissement de la population ; c’est de moins en moins le cas.
Un problème structurel
Comme l’adage qui veut qu’une grenouille ne sente pas chauffer l’eau qui la tuera à petit feu, le vieillissement d’un peuple est lent, difficilement perceptible à court terme et porteur de graves problèmes à terme. Le déséquilibre générationnel peut se porter partout où des forces vives sont nécessaires au fonctionnement normal : une population jeune permet notamment d’irriguer la société dans les métiers de Défense, de sécurité, d’éducation ou d’aménagement du territoire pour ne citer qu’eux. Mais la question la plus brûlante reste évidemment le financement des retraites.
Car le modèle social français est ainsi fait : les jeunes cotisent et acquièrent un droit sur leur retraite future. Mais l’argent cotisé doit alimenter les pensions des retraités actuels. Dès lors le problème saute aux yeux : à un instant « t », un manque d’actifs par rapport au nombre de retraités serait désastreux, car les caisses de retraite risquent de devenir déficitaire. Au long terme, ce ne sont pas non plus les placements financiers des caisses de retraite qui permettront d’endiguer le déficit. Parce qu’elles s’appuient sur les périodes fastes pour surmonter celles de vaches maigres, les caisses ne pourront garder la tête hors de l’eau si la chute s’aggrave d’année en année.
Vers une politique familiale ?
Face à cela, l’UNAF (Union nationale des associations familiales) ou encore l’OID (Observatoire de l’immigration et de la démographie) parmi d’autres structures d’étude préconisent le retour d’une politique familiale assumée. Le but : accompagner les familles afin qu’elles se sentent libres de fonder une famille. « Les pays où la part des budgets famille-enfants dans le PIB est la moins élevée ont aussi la fécondité la plus basse », explique le démographe Gérard-François Dumont. Selon lui, « tout État a une politique familiale, qu’elle soit implicite ou explicite, et l’ensemble des décisions politiques produit inévitablement des effets sur les familles ».
Charge alors aux élus de s’emparer du sujet pour permettre un redressement. Les lois polémiques sur l’évolution du système français de retraites ne peuvent à elles seules réparer les fondements même de l’équilibre démographique.