La suppression de l’article 3 de la loi immigration en a ravi plus d’un sur les bancs du Sénat. Pour mémoire, il prévoyait d’instaurer un titre de séjour d’un an renouvelable pour les métiers en tension, qui avait fait polémique. Deux camps s’opposaient. Les Républicains et le Rassemblement national d’un côté, les centristes et la gauche de l’autre.
« Un appel d’air », dénonçaient les Républicains vis-à-vis de la régularisation des sans-papiers pour les métiers en tension. Les seconds y voyaient un intérêt économique ainsi que l’accord de droits aux travailleurs irréguliers. Le Sénat, étant majoritaire à droite, a vite tranché la question. La proposition de loi sur l’immigration est arrivée lundi 6 novembre au Sénat et, deux jours plus tard, la Chambre haute décidait de supprimer l’article phare de la loi. Les sénateurs se sont mis d’accord pour le remplacer par un durcissement de la circulaire Valls.
L’obligation de vérifier
Pour rappel, la circulaire de Manuel Valls de 2012 vise à préciser les conditions d’examen des demandes d’admission exceptionnelles de séjour pour les étrangers en situation irrégulière. Les demandeurs peuvent remplir un dossier d’admission sous l’une des trois mentions prévues par le document : « vie privée et familiale », « salarié », « travailleur temporaire ». Les critères pris en compte sont différents pour chacune des mentions.
Selon un communiqué signé par Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, et dévoilé par Public Sénat, « après le vote du Sénat, les préfets auront désormais l’obligation de vérifier, non seulement la réalité et la nature des activités professionnelles de l’étranger, mais aussi son insertion sociale et familiale, son respect de l’ordre public, son intégration à la société française, son adhésion au mode de vie et aux valeurs de la communauté nationale, et son absence de condamnation pénale ».
Or, la circulaire existante demande déjà aux préfets de vérifier les informations transmises dans un dossier : « Afin de vérifier la complétude des dossiers, vos services s’appuieront sur les fiches méthodologiques du Guide de l’agent d’accueil des ressortissants étrangers en préfectures relatives à l’admission exceptionnelle au séjour ».
Les sénateurs durcissent la circulaire Valls en prenant en compte plus d’éléments parmi lesquels l’aspect familial, social, mais aussi le niveau d’intégration et le respect de l’ordre public de la personne en situation irrégulière. Tous ces critères, présentés comme nouveaux, sont en réalité loin de l’être.
Après une lecture approfondie de la circulaire Valls, OMERTA a pu retrouver tous les points cités par le communiqué comme étant perçu comme des « durcissements » qui ne sont que des rappels de la circulaire. Nous revenons point par point sur chaque condition d’admission.
Des critères loin d’être nouveaux
Pour l’insertion familiale : « Les demandes d’admission au séjour […] devront faire l’objet […] d’une première vérification au regard des critères établis ci-après, notamment des conditions de durée et de stabilité de la résidence habituelle en France dont peut se prévaloir le demandeur, ainsi que de ses attaches personnelles et familiales ».
Pour le respect de l’ordre public et de l’adhésion au mode de vie : « Je vous rappelle que sont exclus du bénéfice de la présente circulaire les étrangers dont la présence en France constituerait une menace à l’ordre public ou qui se trouveraient en situation de polygamie sur le territoire national ».
Pour l’intégration à la société française et aux valeurs de la communauté nationale : « Ainsi, les demandes des étrangers en situation irrégulière qui sollicitent une admission exceptionnelle au séjour doivent faire l’objet d’un examen approfondi, objectif et individualisé sur la base des dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du CESEDA » en tenant compte notamment de leur intégration dans la société française, de leur connaissance des valeurs de la République et de la maîtrise de la langue française ».
En ce qui concerne l’inscription dans la loi de la circulaire Valls, Maître Rabah Hached, avocat en droit des étrangers, éclaircit la situation : « La seule différence, c’est que les préfets auront plus de liberté pour refuser un dossier ». En résumé, la nouveauté principale de ce durcissement de la circulaire Valls résiderait donc dans « l’absence de condamnation pénale », comme motif de possible refus d’une naturalisation, qui ne figure pas dans le texte d’origine.