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L’immigration intra-européenne, grande absente des débats

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Bien que ce soit encore pour beaucoup inavouable, il existe désormais un large consensus sur les problèmes posés par l’immigration extra-européenne. Mais quid de l’immigration intra-européenne ? Car elle existe bien, et fait aussi des ravages. Le roman de l’écrivain hongrois de Transylvanie Zoltán Böszörményi, Le Temps long, est là pour nous en convaincre. 
 

« Que fait l’enfant quand il a peur ? Il ferme les yeux. »

 
Zoltán Böszörményi a choisi cette phrase de Roberto Bolaño pour épigraphe. Elle résume à elle seule la puissance de la trame de son roman. Une jeune fille roumaine, plongée dans le désespoir et la maladie qui la ronge. Une atmosphère sordide, morbide. Sa mère l’a quittée pour travailler à l’Ouest, en Italie. La fillette est restée au pays, des voisins, des amis de la famille, une grand-mère l’élèvent. 
 
L’absence de sa mère la détruit. Anorexique, elle se laisse mourir sur son lit, sans être en mesure de prononcer un mot. L’auteur plonge dans ses pensées et nous les livre. Un exercice difficile, mais nécessaire. 
 

Des familles brisées, des enfants oubliés 

 
Le roman de Zoltán Böszörményi n’est pas seulement un bijou permettant de comprendre l’importance de la présence maternelle pour un enfant, que l’auteur saisit avec beaucoup de finesse et de manière convaincante. Il traite aussi d’un sujet peu connu et pourtant gravissime en Europe : l’émigration de travailleurs est-européens vers l’Europe de l’Ouest, où les salaires sont plus attractifs que dans leurs pays d’origine. 
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Un phénomène qui laisse place à toute une série de dumping et de casse sociale, que ce soit dans les pays d’origine ou les pays d’accueil, mais qui a aussi des conséquences terribles sur les enfants de ces travailleurs est-européens. En Roumanie, ils sont plus de 100 000 à rester seuls au pays sans un de leurs parents. Plus de 20 000 grandissent eux sans aucun parent. Souvent élevés par un voisin, un ami de la famille, une tante ou une grand-mère, des parents de substitution, ils forment une génération lourdement frappée par ces flux migratoires incessants depuis l’entrée des pays d’Europe centrale et orientale dans la « famille européenne ». 
 

Une Europe qui se déchire

 
En Bulgarie et en Roumanie, les villages habités exclusivement de vieillards et d’enfants sont innombrables. Sur l’autel de la libre circulation des travailleurs, des sociétés entières sont dévisagées, perdent leurs forces vives, alors que l’Europe de l’Ouest puise dans ces contrées orientales de l’Empire bruxellois ses nouveaux « esclaves ». Pour panser les plaies d’économies à l’agonie. 
 
Né en 1951 à Arad au sein de la minorité hongroise de Roumanie, Zoltán Böszörményi a quitté sa terre natale dans les années 1980 pour tenter sa chance à l’Ouest. De retour sur le vieux continent depuis la chute du Mur, il connait les moindres aspects de cette Europe plaisant à se déchirer. Son roman montre admirablement un nouvel aspect de cette fracture Est-Ouest. Il faut le lire de toute urgence, avant tout pour cerner les vrais mécanismes de cette construction européenne qui convainc de moins en moins.

Zoltán Böszörményi, Le Temps long, éd. du Cygne, 114 pages, 13 euros. Traduit du Hongrois par Raoul Weiss.

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