L’Italie veut faire le procès du maréchal Tito
La nouvelle majorité de droite au pouvoir à Rome entend rendre justice aux italophones massacrés par les communistes yougoslaves.
En regardant le mont Sabotin depuis la ville italo-slovène de Gorizia, on remarque tout de suite le nom de Tito qui se détache en quatre grosses lettres creusées sur ses pentes. Une provocation des partisans communistes qui a survécu à l’éclatement de la Yougoslavie. « Le passé n’est jamais mort, il n’est même pas passé », écrivait William Faulkner dans son roman Le Bruit et la fureur.
C’est apparemment le cas en Italie ou Fratelli d’Italia, le parti de la première ministre Giorgia Meloni a déposé une proposition de loi vivant à priver de façon posthume le maréchal Tito (1892-1980) du titre de chevalier grand-croix de l’Ordre du mérite de la République italienne en permettant la révocation de cette dignité pour les personnes reconnues coupables de crimes « cruels » et de crimes contre l’humanité. « Celui qui a tué nos compatriotes ne mérite aucune reconnaissance. Nous poursuivrons ce combat civilisationnel » a notamment déclaré Fratelli d’Italia sur les réseaux sociaux.
Près de 10 000 morts
Dans le viseur des parlementaires de la droite italienne, on trouve surtout les crimes perpétrés par les partisans de Tito dans la région de l’Istrie, l’arrière-pays de la ville de Trieste, à partir de l’effondrement du régime de Mussolini en septembre 1943. Des milliers d’italophones furent alors assassinés, un épisode connu comme les massacres des foibe, du nom des grottes naturelles d’origine karstique.
Il y eut visiblement près de 10 000 victimes. De nouvelles cavités emplies d’ossements sont découvertes régulièrement. L’apogée des massacres eut lieu en mai-juin 1945, mais ils se prolongèrent jusqu’en 1947. Les historiens n’hésitent pas à parler aujourd’hui de véritable stratégie de nettoyage ethnique ordonnée par le maréchal Tito pour s’assurer le contrôle de la région.
Victimes serbes
Josip Broz Tito, d’ascendance croate et slovène, a gouverné la Yougoslavie de 1945 à sa mort, l’engageant sur la voie d’un socialisme autogestionnaire plus théorique que réel. Sa célèbre rupture avec Staline en 1948 ne mis nullement fin à la dictature communiste en Yougoslavie, cette figure des pays « non-alignés » affichant néanmoins une plus grande ouverture sur le reste du monde que l’Union soviétique et les États du pacte de Varsovie. Le mausolée de Tito, situé sur les hauteurs de Belgrade est encore soigneusement entretenu et visité par de nombreux nostalgiques de la Yougoslavie.
Les crimes de guerre de Tito ne se limitent pas à ceux perpétrés contre les Italiens d’Istrie. On lui reproche également l’élimination des Tchetniks, ces royalistes serbes luttant comme les partisans communistes contre l’envahisseur allemand et ses alliés oustachis croates. Tito fit ainsi condamner et fusiller le général Draza Mihaïlovic (1893-1946) dont la mort fut dénoncée en France par le romancier Georges Bernanos et par le général de Gaulle, qui refusa pour cela de rencontrer ultérieurement Tito. A ce jour, on ne sait toujours pas où repose son corps.
A lire : Jean-Christophe Buisson, Mihailovic, Héros trahi par les alliés, Tempus, 2011.