Conférence de Munich vendredi, entretien samedi avec la presse française et échanges téléphoniques : les homologues français et ukrainiens se renvoient les amabilités, tout en affichant certains désaccords, alors que l’Ukraine tente de tirer les armes des fourreaux européens. Macron quant à lui réaffirme hier soir « son attachement au plan de paix » proposé par Volodymyr Zelensky, l’assurant qu’il « soutiendrait cette initiative sur la scène internationale », mais botte en touche sur les demandes d’armement.
« Pas à n’importe quel prix »
C’est la formule de Volodymyr Zelensky pour le journal italien Corriere della Sera concernant une victoire ukrainienne à Bakhmout, qui est devenue un symbole de résistance avec le temps, mais sans être « une ville particulièrement importante ». Se battre, oui, mais « pas à n’importe quel prix et pas pour que tout le monde meure ».
Dans le même temps Emmanuel Macron précise au Journal Du Dimanche que « écraser la Russie, cela n’a jamais été la position de la France et cela ne le sera jamais ». Il semble que l’objectif affiché par Bruno Le Maire sur France 24 au début du conflit, « Nous allons effondrer l’économie russe », ne soit plus d’actualité.
Mais Macron réaffirmait ce vendredi 17 février à la conférence de Munich, dédiée comme chaque année aux questions de sécurité : « Nous sommes prêts à un conflit prolongé ». Prolongé, oui, mais sans hausse d’intensité. Sur ce point, en juillet dernier, les chefs d’état-major français doutaient d’ailleurs de nos capacités à mener « un affrontement soutenu entre des masses de manœuvres agressives dont l’objectif est de vaincre la puissance de l’adversaire ».
Dissensions à demi-mots
Toujours dans son interview italienne, Volodymyr Zelensky confiait que les négociations du Président français avec le Kremlin pour des « garanties de sécurité » étaient « inutiles » ; selon lui, les Russes veulent « reconstruire l’ancien empire soviétique », et « nous ne pouvons rien y faire ». Une position que semble en fait partager Emmanuel Macron à l’heure actuelle, du moins médiatiquement, lui qui estimait vendredi que « l’heure n’est plus à la négociation » avec Vladimir Poutine.
Quant à la demande de livraison d’avions de chasse dans les prochaines semaines, le chef des Armées répond d’abord par la négative, tout en laissant finalement la porte entrouverte : « je ne l’exclue absolument pas, mais ça ne correspond pas aujourd’hui aux besoins ».
Les avis des deux Présidents semblent alors difficiles à cerner, alors que c’est plutôt sur la base de contraintes pratiques, telles que la formation « incompressible » des pilotes ukrainiens, qu’Emmanuel Macron expliquait sa décision quelques secondes plus tôt. Pour ce qui est de la nécessité d’une telle livraison, Zelensky faisait justement le tour des places européennes pour demander instamment ces avions « le plus tôt possible » … Mais remerciait tout de même « le Président [Macron] pour sa compréhension de nos besoins ».
Eviter une escalade à haut risque
Le plan de paix en dix points proposé par Zelensky exige entre autres que « le contrôle de l’Ukraine sur toutes les sections de la frontière de notre État avec la Russie doit être restauré », mais une des grandes peurs des Occidentaux concernant les livraisons d’armes réside dans la possibilité d’escalade, et que l’armée lourdement armée ne déborde ses attaques directement en Russie : un basculement qui serait catastrophique pour tous les pays aujourd’hui soutiens de l’Ukraine.
Sur ces point l’ancien ministre des affaires étrangères Hubert Védrine, tout en saluant la « ligne de crête » suivie par Emmanuel Macron, mettait en garde dimanche soir pour le Figaro contre la tentation occidentale d’en faire une « guerre de civilisation » : dans un tel scénario, la guerre « ne s’arrêtera pas ». Il ajoute que les pays de l’OTAN seraient isolés sur la scène internationale, et « il n’est pas sûr que l’Occident gagne à la fin ! ».