« Ce problème de ruptures d’approvisionnement n’est pas si récent que ça, on le vit depuis de nombreuses années », soulignait le neurologue Bruno Perrouty lors d’une audition au Sénat en mai 2023. Pour une nouvelle année consécutive, la France risque une pénurie de médicaments. Avec l’hiver qui arrive et les maladies qui en découlent, les professionnels de santé s’inquiètent. L’ANSM, l’Agence nationale de sécurité du médicament, vient donc de dévoiler, ce 3 octobre, son plan hivernal pour lutter contre ce problème de santé publique. Pourtant, l’Hexagone est déjà touché par une pénurie de Beyfortus, principal remède contre la bronchiolite. Alors comment le secteur de la santé peut-il se prémunir ?
Premier du genre, le plan hivernal a pour vocation d’anticiper les pénuries et de répondre aux besoins des patients pour les médicaments jugés « majeurs ». Sont notamment visés l’amoxicilline, qui combat les infections bactériennes, les corticoïdes, le paracétamol et les traitements pour les asthmatiques. Pour réussir son pari de réduire l’impact de la pénurie, l’ANSM s’appuie sur différentes données, dont le niveau d’approvisionnement des laboratoires et les stocks des pharmacies. Néanmoins, ces résultats risquent d’entraîner une action tardive de cet organisme. En cause, en attendant ces données, il n’agit pas.
Lorsque l’Agence les obtient, elle mobilise pharmaciens et hôpitaux pour qu’ils fabriquent eux-mêmes des préparations médicinales, alternative aux médicaments en rupture. Elle demande aussi aux pharmaciens de restreindre l’usage des produits thérapeutiques dont les stocks s’amenuisent. Autre piste : tenter d’en importer qui n’étaient pas destinés à l’origine au marché français. « De manière générale, l’action de l’ANSM apparaît largement tournée vers la détection et la gestion des ruptures, et trop peu vers la prévention », lit-on dans le rapport d’information du Sénat sur la pénurie de médicaments publié en juillet 2023.
Ruptures de stock : les médecins mal informés
La commission d’enquête du Sénat dénonce l’inaction des pouvoirs publics face à un phénomène qui a touché 37 % des Français en 2023, selon le baromètre de France Assos Santé. Elle recommande au contraire de s’attaquer aux causes structurelles de la pénurie. Parmi les pistes évoquées, elle propose notamment d’anticiper les situations épidémiques exceptionnelles, comme celle de la grippe ou d’imposer des quotas d’approvisionnement aux labos pharmaceutiques. Laurence Cohen, sénatrice, constate : « Ce que nous avons entendu, c’est le manque d’informations des médecins sur les pénuries de médicaments ». Il existe donc un véritable problème de communication entre professionnels de santé et services compétents qui traitent les données des stocks.
Du côté du gouvernement, le projet de loi sur le financement de la Sécurité sociale 2024 déposé le 27 septembre dernier à l’Assemblée nationale reprend les principales mesures énoncées par l’Élysée. Y figure principalement la hausse de 10 % du prix de l’amoxicilline contre un stock suffisant de ce médicament fourni par les laboratoires. Un coût supplémentaire pour les ménages, mais surtout pour la Sécurité sociale qui en rembourse une partie. Pour éviter la pénurie, l’État pourrait obliger les industriels à tenir à disposition l’équivalent de quatre mois de stock pour les 450 médicaments classés « essentiels ». La vente à l’unité de certains cachets est une autre solution envisagée pour lutter contre la pénurie.