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Relations franco-marocaines : sortir de l’ambiguïté

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 Cela faisait bien longtemps que les relations entre la France et le Maroc n’avaient pas été aussi mauvaises. Les nouvelles fusent, mais rarement dans le bon sens. Dans une tribune publiée dans Le Point, l’écrivain marocain et ancien prix Goncourt Tahar Ben Jelloun titre notamment : Vent glacial entre le Maroc et la France

La situation n’est en effet pas anodine. Un journaliste d’OMERTA, revenant du Maroc, dit ainsi n’avoir « jamais vu une telle francophobie au sein de la population ». La crise des visas, alimentée par le développement des relations franco-algériennes et le départ de l’ambassadrice française à Rabat n’ont pas manqué d’alimenter l’agacement des Marocains face à « l’arrogance » française. 

Face à cela, comment faire pour rétablir la ligne Paris-Rabat ? Le rapport de l’EGA est d’ailleurs catégorique sur un point : le Maroc est un « partenaire incontournable » sur plusieurs points. 

 

Le Maroc, porte d’entrée en Afrique 

Historiquement, le détroit de Gibraltar, les « colonnes d’Hercule » séparaient la Méditerranée, la Mare Nostrum des Romains, de l’Inconnu. Plus de deux mille ans plus tard, il sépare toujours deux mondes, mais entre le nord et le sud, l’Europe et l’Afrique. 

Le type d’échanges entre les deux continents a varié au cours des siècles. De la Reconquista à la colonisation, ce sont principalement des batailles militaires, des pillages ou des conquêtes qui ont eu cours. Cependant, la décolonisation a eu lieu, et les deux continents ont dû s’accorder sur une nouvelle coexistence. 

Aujourd’hui, le Maroc est toujours la porte d’entrée sur l’Afrique. C’est par lui qu’arrivent les flux terrestres comme maritimes (le développement des ports marocains est particulièrement important depuis vingt ans, notamment celui de Tanger Med), avec ses flux humains de migrants africains. 

Le Maroc représente un partenaire économique non négligeable pour la France. Etant l’un des rares pays stables du continent, maintenant une croissance forte, il dispose également de « plus de 70% des réserves mondiales de phosphate », minéral capital pour la production d’engrais alors que la Russie fait pression dessus. Sur ce plan, il pourrait donc être un partenaire alternatif de poids. 

Le Maroc et la France avaient aussi débloqué un partenariat-clef sur le plan de la sécurité. Ainsi que le rapporte l’EGA, le rôle de la DGST (Direction Générale de la Surveillance du Territoire) marocaine est de premier plan dans la lutte antiterroriste. C’est notamment grâce à elle que l’un des terroristes du 13 novembre, Abdellamid Abaaoud, avait été neutralisé. Le modèle des prisons marocaines est d’ailleurs axé sur la « déradicalisation » des islamistes, alors que le pays défend un « islam modéré », mis en œuvre par le commandeur des croyants, le roi Mohammed VI. 

Ce défi sécuritaire est également lié à la gestion de l’immigration illégale. Le Maroc « retient » ainsi des milliers de migrants subsahariens à l’intérieur de ses frontières. Observant l’exemple de la Turquie, le pays chérifien n’hésite cependant pas à en faire un moyen de pression, comme au début de l’année, alors qu’il avait en avait « relâché » plusieurs milliers devant l’enclave espagnole de Ceuta pour faire plier Madrid sur la question du Sahara marocain. 

 

Résoudre la crise 

Depuis 1975, reste une constante dans la géopolitique marocaine : le Sahara marocain, ou occidental selon d’autres. Lorsque les Espagnols lâchent leur ancienne colonie à la fin du XXe siècle, ils en transfèrent la majeure partie aux Marocains. Officiellement marocain, il est cependant contesté par le Front Polisario, groupe indépendantiste soutenu par l’Algérie. 

En 2007, le Maroc présente sa solution pour mettre fin aux importants affrontements qui y ont lieu depuis des décennies. L’idée est de laisser à la région une vaste autonomie, tout en y conservant sa souveraineté. Soutenu par de plus en plus de pays, le projet prend une toute autre ampleur lorsque Donald Trump décide de le soutenir officiellement, plaçant de facto les Etats-Unis comme alliés des Marocains sur ce plan, l’Espagne, l’Allemagne et les Pays-Bas leur emboîtant le pas en 2022. 

Quid de la France alors ? Si celle-ci est plutôt favorable au plan d’autonomie, jamais elle n’a adopté de position claire à ce sujet. En effet, sous l’emprise de la « rente mémorielle » envers l’Algérie, elle doit ménager la chèvre et le chou, l’ancien département français étant favorable au Front Polisario. 

Pour cette raison, le rapport de l’EGA préconise de ne pas se focaliser sur cette « crise des visas », mais surtout sur la pierre angulaire de la géopolitique marocaine, le Sahara. Engageant la France à « se positionner de manière formelle et sans ambiguïté » sur ce point, il explique que Paris aurait beaucoup à gagner à ne pas se focaliser sur la rente mémorielle et sur le gaz algérien, sans toutefois mépriser les relations franco-algériennes. 

En effet, la France devrait donc renouer de fortes relations amicales, comme auparavant, avec le royaume chérifien. La stabilité du pays, tant sur le plan économique que le plan sécuritaire, en font donc un partenaire nécessaire. Autrement, l’envenimement des tensions pourrait bien en faire un pays redoutable pour l’Europe, nouvelle Turquie au sud de l’Europe. 

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