Alors que s’amorce à l’Assemblée nationale une nouvelle semaine de discussion autour du projet de réforme du système des retraites, on est aujourd’hui en mesure de constater que le débat en cours va dans le sens d’une recomposition du paysage politique qui prolonge celle à l’œuvre depuis 2017 et l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République. Ainsi que le fait remarquer dans
Le Figaro Vincent Trémolet de Villers, «
Macron a perdu sa gauche », comme l’illustre la position très ferme de la CFDT, syndicat réformiste auparavant attentif à la politique sociale du Président de la République. L’éditorialiste est obligé de constater la fin du « en même temps » longtemps à l’œuvre dans les bureaux du palais de l’Élysée.
La grande réforme de ce second quinquennat sonne ainsi le glas des accents progressistes de l’expérience Macron en matière sociale. Il lui restera à réaliser des ambitions sociétales (l’euthanasie par exemple) qui, elles, ne recueilleront pas les suffrages de la droite conservatrice ou de ce qu’il en reste.
Dans la rue, la mobilisation ne faiblit et essaime dans les villes moyennes, se renforçant sensiblement dans l’Ouest de la France (Bretagne, Pays-de-Loire, Normandie) si l’on observe les détails de la mobilisation du samedi 11 février qui a rassemblé au moins un million de personnes. Une nouvelle mobilisation est prévue le 16 février et un blocage du pays est à redouter à partir du 7 mars si l’on écoute les menaces des syndicats. Les violences restent pour l’instant encore marginales dans les cortèges, si l’on excepte quelques dérapages de l’ultra-gauche à Paris.
Les LR au bord de l’explosion
Au sein des partis politiques, c’est à droite que les dégâts sont le plus importants, au sein du parti Les Républicains. La décision de voter la réforme ne passe pas auprès de certains jeunes députés comme Aurélien Pradié ou Julien Dive, proche de Xavier Bertrand. Comme confie à OMERTA un ancien député LR, battu aux élections législatives, « la réforme est loin d’être satisfaisante mais notre électorat ne comprendrait pas que nous ne la votions pas ». Le parti pourrait donc laisser de nouvelles plumes dans cette affaire à un an d’un scrutin européen qui s’annonce très compliqué pour lui si l’on considère les contre-performances enregistrées par liste de François-Xavier Bellamy en 2019 et par la candidature présidentielle de Valérie Pécresse en 2022. S’il n’est pas représenté à l’Assemblée nationale, le parti Reconquête d’Éric Zemmour et Marion Maréchal est, lui, unanime pour soutenir le principe d’un allongement de la durée du travail et donc le texte élaboré par Élisabeth Borne.
A gauche la NUPES réfléchit à la manière de ne pas enliser le débat dans ses propres amendements ce qui risquerait de lui être reproché par les Français désireux d’un vote sur le sujet. Le risque est grand, en effet, que le temps imparti au débat à l’Assemblée ne s’épuise avant un scrutin sur le fameux article 7 qui est censé fixer à 64 ans le nouvel âge de départ en retraites. Les groupes de gauche ont finalement décidé de retirer 1 000 amendements.
Le Rassemblement National de son côté, hostile au texte depuis le début mais concurrencé par la stratégie volontiers provocatrice de La France Insoumise (dont un député a été exclu quinze jours de l’hémicycle pour un dérapage visant le ministre Olivier Dussopt et un autre sanctionné financièrement pour avoir accusé le même d’être un assassin), va tenter de ne pas laisser l’opposition visible aux mains d’une gauche rompue à ce genre d’exercice.
Jérôme Besnard