1,2 milliard de roubles d’aide à l’Afrique pour lutter contre les infections. 35 000 étudiants originaires d’Afrique qui poursuivent leur cursus dans des établissements russes. 25 à 50 000 tonnes de céréales données prochainement au Burkina Faso, à la République centrafricaine, l’Érythrée, le Mali, la Somalie, le Zimbabwe. 23 milliards de dollars de dettes africaines annulées par la Russie. 30 projets énergétiques dans 16 États africains.
Égrenant ces chiffres à la tribune de la séance plénière du deuxième forum Russie-Afrique, face à une salle bondée, Vladimir Poutine a voulu démontrer le grand retour de la Russie en Afrique. Une forte présence qui date de l’URSS et qui a connu une éclipse à la chute du régime communiste. Les Africains s’en souviennent pourtant : lors des entretiens bilatéraux, pratiquement tous les chefs de délégation africains ont fièrement affiché leurs membres ayant reçu une formation universitaire en Union soviétique.
Cette rencontre a failli être victime de la conjoncture internationale. Depuis un an qu’elle était en gestation, les capitales africaines n’ont cessé de subir des pressions de la part des États-Unis et de l’UE. Ils voyaient rouge en imaginant les couvertures du monde entier représentant un Vladimir Poutine entouré de chefs d’État africains, alors qu’ils s’acharnent à l’ostraciser sur la scène internationale. Malgré que certains ont succombé à la pression, force est de constater que le sommet de Saint-Pétersbourg est un nouveau camouflet pour l’Occident.
L’échec des pressions occidentales
La dénonciation des colonisateurs, anciens et nouveaux, était sur toutes les lèvres, autant dans le discours du président burkinabé que dans les descriptions des tables rondes inscrites au programme du forum, sans compter l’hôte lui-même qui n’a manqué aucune occasion de rappeler le rôle résolu et concret de l’Union soviétique dans la décolonisation des pays africains.
Le président russe a mis au centre des débats l’approvisionnement alimentaire du continent. Après que Moscou a suspendu l’accord sur les céréales dans le cadre de son conflit avec Kiev, Vladimir Poutine a insisté sur les capacités de la Russie à subvenir aux besoins de l’Afrique grâce à ses propres récoltes.
« L’année dernière, les échanges de produits agricoles entre la Russie et les pays africains ont augmenté de 10 %, pour atteindre 6,7 milliards de dollars et, de janvier à juin de cette année, ils ont déjà connu une hausse record de 60 %. La Russie a exporté 11,5 millions de tonnes de céréales vers l’Afrique en 2022, et près de 10 millions de tonnes au cours des seuls six premiers mois de cette année. Et ce, malgré les sanctions illégales imposées à nos exportations, qui entravent sérieusement l’approvisionnement en denrées alimentaires russes, compliquant le transport, la logistique, l’assurance et les paiements bancaires », a-t-il souligné. Il faut reconnaître à son argumentation une logique difficilement réfutable : imputer à la Russie la responsabilité de la famine dans le monde tout en refusant de lever les restrictions qui freinent l’acheminement de ses cargaisons vers les pays en souffrance est une position difficilement tenable.
L’Afrique, faiseur de paix ?
Les petits-déjeuners, les déjeuners et les diners se sont enchainés trois jours durant, entrecoupés de points presse et de négociations bilatérales. La délégation malienne dirigée par le président par intérim Assimi Goïta a bousculé le protocole en décidant de laisser chacun de ses membres se présenter. Sans broncher, Vladimir Poutine a invité les siens à en faire de même. Un peu superflu pour certains, comme Sergueï Lavrov, qui dirige la diplomatie russe depuis 20 ans.
La dernière journée du sommet a été consacrée aux débats autour de l’initiative africaine pour la paix en Ukraine. Il s’agit d’un plan de règlement du conflit proposé par un groupe d’États africains comprenant l’Égypte, la République du Congo, le Sénégal, l’Ouganda, l’Afrique du Sud, la Zambie, déjà exposé aux présidents russe et ukrainien fin juin. Ces propositions ont été autant d’occasions pour Vladimir Poutine d’exposer son argumentaire sur les origines de la guerre. Elle « a été provoquée par certaines forces occidentales qui, depuis de nombreuses années, se préparaient à une guerre hybride contre notre pays, en faisant tout pour faire de l’Ukraine un outil permettant de saper les fondements de la sécurité de la Fédération de Russie, de nuire aux positions de la Russie dans le monde et d’ébranler notre statut d’État », a-t-il martelé devant ses homologues africains.
Stratégie hybride
« Sur la base de votre explication, nous comprenons les origines de ce conflit, nous comprenons comment et où il a commencé », l’a rassuré Cyril Ramaphosa, président sud-africain.
Plusieurs documents ont été signés à l’issue du sommet, notamment une déclaration commune de 74 points, un plan d’action du Forum de partenariat Russie-Afrique 2023-2026, très ambitieux et couvrant tous les domaines possibles de coopération.
En parallèle des discussions politiques s’est tenu un forum lors duquel diplomates, entrepreneurs, universitaires et journalistes russes et africains ont discuté ordre mondial, sécurité informatique, coopération énergétique, échanges estudiantins, etc. Le stand de Russia Today était l’un des plus imposants. Bannie des pays occidentaux, au grand dam de certains téléspectateurs, la chaine mise sur l’Afrique, où elle tente de développer son influence.
Une influence qui va de pair avec le renforcement des liens économiques, diplomatiques et militaires entre la Fédération de Russie et l’Afrique, dans une stratégie hybride qui porte ses fruits, comme semble le montrer le recul des positions françaises sur le continent au profit de Moscou.