Les Syriens se sont peut-être débarrassés de la dictature de Bachar el Assad, mais ils n’auront pas pour autant la démocratie inclusive et respectueuse des minorités dont beaucoup avaient rêvé.
Le nouvel homme fort de Damas, Ahmed al-Sharra, Abou Mohamed al-Jolani de son nom de guerre, concentre désormais l’ensemble des pouvoirs entre ses mains. Il reconnaît en théorie la séparation des pouvoirs, mais force est de constater que les contrepoids à son autorité apparaissent très limités. Président par intérim, Al-Sharra a signé hier une déclaration constitutionnelle pour la période transitoire qui doit durer cinq ans. La jurisprudence islamique deviendra la principale source de la législation. En d’autres termes, rien en dehors de la sharia.
Cette mise en forme de l’autorité d’Al-Sharra et de son organisation Hayat Tahir al-Sham intervient alors que le pays se remet à peine d’une vague d’assassinats visant principalement la communauté alaouite, mais aussi certains chrétiens, et commises en majorité par des groupes extrémistes liés de près ou de loin à HTS. Lors de cette vague d’assassinat qui a fait près de 2000 morts, Ahmed al-Sharra est apparu comme dépassé par ses extrêmes. Depuis il a signé un accord avec la communauté druze, elle-même en rébellion il y a quelques semaines, et un autre avec les Kurdes dont l’autonomie dans la région du nord-est semble garantie pour l’instant.
Voir aussi : Syrie : Damas année zéro, documentaire OMERTA

La formalisation de l’autorité d’Al-Sharra via un système présidentiel fort vise à renforcer son pouvoir alors que les événements récents ont surtout démontré les limites de HTC comme force capable d’imposer l’ordre sur la totalité du territoire. Ainsi, s’il est facile de rappeler qu’on a quitté l’enfer du clan Assad, il est beaucoup plus compliqué de rassurer la population et surtout ses minorités. À la clef, il y a l’unité du pays, toujours à risque de se fracturer en quatre entités. L’épisode des meurtres des Alaouites a en outre passablement terni l’image d’Al-Sharra à l’international. Il devait participer à une réunion à Bruxelles avec des partenaires européens. Ce sera son ministre des Affaires étrangères qui le remplacera. Quant à l’invitation de venir à Paris formulée par Emmanuel Macron le mois dernier, là aussi la date n’est pas près d’être fixée…