Depuis près de dix ans, une guerre civile sans fin fait rage au Yémen entre les troupes du pouvoir en place depuis 2012, reconnu par les Occidentaux et soutenu par l’Arabie saoudite, et les rebelles chiites Houthis, soutenus par l’Iran et le Hezbollah. Les hostilités ont débuté un peu par surprise, au mois de juillet 2014. Le conflit s’est installé. Il a déjà fait au moins 250 000 morts selon les Nations unies. Il a entraîné une crise humanitaire majeure, des trafics d’armes à très grande échelle et l’exode massif de la population yéménite vers les pays voisins.
Entre 2018 et 2021, le géographe et anthropologue français Alexandre Lauret a recueilli de nombreux témoignages de réfugiés yéménites au Nord de Djibouti, dans le camp de Markazi, créé en avril 2015 par le Haut-Commissariat aux Réfugiés, administré dans les faits par les Saoudiens et situé près de la ville d’Obock. Pour s’y rendre, ces réfugiés ont la plupart du temps traversé en bateau la mer Rouge par le détroit de Bab-el-Mandeb. Les récits collectés par Alexandre Lauret sont présentés de façon anonyme et abordent plusieurs thématiques : la guerre, l’exil, la survie et l’errance. La lecture en est passionnante et très instructive.
Comme le confie l’auteur, qui a vu s’installer cette précarité dans la durée, « cinq années ici auront suffi à armer les espoirs et les fantasmes des nouvelles générations de Yéménites dont les parents et les grands-parents pleurent en permanence le pays natal perdu ». Aden, Sanaa… autant de noms d’un paradis perdu, broyé dans une guerre sans fin, oubliée de l’Occident malgré avec son terrible cortège de mines anti-personnelles et d’enfants soldats.
Alexandre Lauret, La Guerre et l’exil, Yémen, 2015-2020, Les Belles lettres, 342 p., 23,50 euros.